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Strengthening women’s livelihoods for peace in Kasaï

4 avril, 2024

La région du Kasaï, jadis oasis de paix, a connu ces dernières années une situation sécuritaire délétère à la suite d’un conflit très violent d’origine coutumière dans le groupement « Bajila Kasanga », dans le territoire de Dibaya, province du Kasaï-Central, l’une des 15 nouvelles provinces de la République Démocratique du Congo.

Né en 2016 de la revendication, émise par Jean Prince Mpandi, de la reconnaissance légale de son pouvoir par les autorités étatiques, celui-ci avait occasionné l’émergence des milices « Kamwina Nsapu », qui semèrent la terreur sur toute l’étendue de la province du Kasaï-Central d’abord, puis dans l’ensemble des cinq provinces de l’espace kasaïen, couramment appelé « Grand Kasaï2 ».

Ce conflit avait engendré dans la région une crise humanitaire sans précédent et entraîné des exactions qui avaient provoqué de nombreuses pertes en vies humaines, des pillages et des destructions des infrastructures de base ainsi que des déplacements massifs des populations, freinant ainsi le développement local, provincial et régional. Une crise de confiance a été exacerbée entre membres des communautés et entre populations et institutions étatiques, menaçant ainsi les efforts de réconciliation et de reconstruction, à cause des blessures restées ouvertes.

Thérèse MBELU, l’une des femmes victimes des traumatismes liés aux atrocités du phénomène « Kamuina Nsapu », raconte son histoire :

« Résidente à Tshikula, territoire de Dibaya, le foyer du phénomène « Kamuina Nsapu », je restais avec ma belle-sœur dont le mari vivait à Kananga. Les miliciens sont entrés et ont décapité en sa présence la belle-sœur. Le beau-père qui assistait avec moi à cet événement a à son tour été attaché à un arbre et exécuté. Ces deux événements m’ont sérieusement affectée, j’avais commencé à piquer des crises d’hypertension et de gastrite chaque fois que ce souvenir me revenait à l’esprit. Je suis restée très faible même physiquement et inconsolable, la vie ne valait plus rien pour moi ; tellement désespérée. Je suis restée garder les orphelins de ma belle-sœur en plus de mes huit enfants ».

« Au mois d’octobre 2022, une ONG nationale, Travail et droits de l’homme (TDH), travaillant en partenariat avec Interpeace et avec le soutien financier du Fonds pour la consolidation de la paix en République Démocratique du Congo (PBF-RDC), a effectué une mission d’identification des cas des femmes victimes de traumatismes liés au conflit « Kamuina Nsapu » à Tshikula. Jean Marie Kajibwe, président du groupe de dialogue permanent (GDP) Dibataye, qui connaissait ma situation, m’a invitée à participer à cette rencontre où plusieurs autres femmes étaient conviées. Après avoir suivi les enseignements, chacune de nous a présenté individuellement son histoire. Ensuite, j’ai été orienté chez le médecin directeur de l’hôpital de Tshikula qui lui aussi m’a écouté et à son tour m’a recommandé auprès d’un assistant psychosocial qui a commencé à me fréquenter et me prodiguer régulièrement des conseils. Ceux-ci m’ont beaucoup réconforté et, au fur à mesure, j’ai fini par comprendre que ce n’était pas la fin du monde.

C’est alors qu’au mois de mars 2023, l’équipe de TDH est revenue à Tshikula et nous a demandé à chacune ce que nous souhaitions dans la vie comme métier, parmi trois filières proposées, à savoir la coupe-couture, la savonnerie et la pâtisserie. Moi, j’avais choisi de faire la savonnerie car j’en avais déjà fait une fois dans le passé mais de faible qualité. Nous étions une équipe de 30 apprenantes pour la savonnerie, encadrées par Madame Esther pendant deux mois. Nous avons appris et pratiqué beaucoup de choses. C’était aussi pour nous de bons moments de partage de nos douloureuses expériences et pour nous réconforter mutuellement. Dès lors, ces souvenirs ne me reviennent plus souvent et ma santé s’est améliorée.

A présent, j’ai amélioré la qualité des savons que je fabrique et tout le monde les apprécie. Ceux-ci sont très sollicités, mais je suis limité par les moyens. Mes savons sont vendus aux marchés de Tshikula et Nkufula. Toutes les deux semaines, j’utilise trois kg de soude caustique, six mesures d’huile que je mélange à trois mesures d’eau pour produire 180 savons, l’un d’entre eux étant vendu à 500 francs congolais. Ainsi avec mon petit capital de 60'000 FC, je gagne à chaque production un bénéfice de 30'000 FC chaque deux semaines et cette situation me permet de payer les frais scolaires de mes enfants et mes deux orphelins ».

Thérèse Mbelu remercie du fond de son cœur cette initiative d’Interpeace, à travers son partenaire TDH, qui a pensé à redonner espoir de vie aux femmes traumatisées par les effets du conflits « Kamuina Nsapu ». Elle a témoigné qu’au début de la formation chacune était renfermée sur elle-même, mais au fur à mesure qu’elles se fréquentaient, celles-ci ont appris à partager leur expérience, elles se réconfortaient et voilà que petit à petit elles retrouvent la joie de vivre. Les femmes se sont regroupées en Association villageoise d’épargne et crédit (AVEC) au sein de laquelle elles se réunissent tous les dimanches. Bien que l’épargne continue à leur faire défaut à la suite de leur vulnérabilité, elles restent confiantes en elles-mêmes, espérant que si jamais elles bénéficiaient d’une quelconque assistance en activités génératrices de revenus, elles pourraient travailler davantage et améliorer leur situation économique et épargner dans leur AVEC.