Rapport d’analyse sur les déterminants clés et leviers de prévention de la violence politique en Côte d’Ivoire

La vulnérabilité locale d’un contexte à la violence politique est statistiquement associée à l’absence de cohésion sociale : lorsque les relations intergroupes sont peu apaisées (cohésion horizontale) et les relations entre les citoyens et leurs institutions sont endommagées (cohésion verticale), il est davantage probable d’y voir émerger des scènes d’affrontements   lors des périodes électorales. La fragilisation de la cohésion sociale prend différentes formes et renvoie à une série de signaux interdépendants.

Les résultats du processus de recherche-action participative (RAP) et de l’étude SCORE se résument dans les messages clés suivants

Note d’orientation – Un baromètre ou mécanisme d’alerte précoce efficace, localisé et prédictif pour adresser la violence politique en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, la violence politique, en particulier celle qui est liée aux cycles électoraux, présente un caractère structurel. Ces trente dernières années, en effet, les épisodes ont fait de nombreuses victimes.

Parmi ceux-ci : 1 33 morts lors de l’élection présidentielle de 1995 ; crise postélectorale de 2010 à 2011 entraînant plus de 3 000 morts et plus de 1 000 cas de violations des droits humains ; cinq morts lors des élections régionales et municipales de 2018 ; 85 morts et 500 blessés lors de l’élection présidentielle de 2020, entre partisans des principaux camps politiques. Sur fond de tensions liées aux appartenances communautaires, cette violence semble être exacerbée par une crise de confiance entre communautés, d’une part, et entre populations et autorités d’autre part. Le pic de violence, qui a entraîné plus de 3 000 morts en 2010-2011, a suscité une forte prise de conscience quant à l’importance de mettre en œuvre des mécanismes adéquats pour prévenir et contenir la violence politique. Des initiatives visant à lutter directement contre cette violence ou à influencer les facteurs qui la génèrent ont été mises en œuvre.

Les Cadres de Collaboration – Une approche d’engagement participatif et de mobilisation citoyenne pour la prévention et la gestion des conflits en Côte d’Ivoire

Dans le cadre de leur contribution à la consolidation de la paix et la cohésion sociale en Côte d’Ivoire, Indigo Côte d’Ivoire et Interpeace ont mis en œuvre depuis 2020, à travers le pays, des Cadres de collaboration (CDC) à travers plusieurs processus : DEVCO dans l’ouest montagneux, PAGEFOR à l’ouest et au nord-ouest, PRECIS dans trois districts à risque. Plutôt que des comités de paix ou des plateformes d’acteurs ou d’organisations issus de la société civile ivoirienne, ces formats sont une ingénierie de gouvernance collaborative citoyenne des initiatives de prévention et de gestion des conflits au niveau local. Celle-ci repose sur une compréhension fine et partagée des dynamiques contextuelles qui nourrissent ces conflits et sert de trame à l’action collective d’identification et de mise en œuvre des solutions.

À travers les Cadres de collaboration, il s’agit en effet de bâtir durablement la paix en conjuguant, de façon inclusive et participative, le leadership et l’engagement civique de personnes émanant de toutes les couches de la société.

Côte d’Ivoire : comprendre les violences dans les universités pour mieux les prévenir

Les campus universitaires ivoiriens sont, depuis la fin des années 1990, constamment agités par des épisodes de violence. Lorsque ce ne sont pas les étudiants qui, par mouvements syndicaux interposés se confrontent, ce sont les tensions entre ceux-ci et les forces de l’ordre qui débouchent immanquablement sur des dégradations d’infrastructures universitaires, la destruction de biens de particuliers et, pire, des pertes en vie humaine. Aujourd’hui, les victimes de cette violence ne se comptent plus. Et l’impunité dont semblent jouir les auteurs questionne tout autant que la capacité de la réponse apportée par les autorités et les différents acteurs, alternant répression et tentatives de médiation, à répondre aux causes structurelles de celle-ci.

Pour tenter de mieux comprendre les dynamiques alimentant ce cycle quasi ininterrompu de tensions et de violence, de sorte à mieux les prévenir, Interpeace et son partenaire Indigo Côte d’Ivoire ont conduit un processus de Recherche action-participative (RAP) sur la question. En 2021 et 2022, étudiants, mais aussi enseignants, personnel administratif et décideurs ont été engagés dans une réflexion collective et de dialogue dans trois universités publiques du pays, celles de Nangui Abrogoua à Abobo-Adjamé, Alassane Ouattara à Bouaké et Félix Houphouët-Boigny à Abidjan-Cocody.

La recherche a été soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) avec le financement du Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies. Elle a pu s’appuyer sur la collaboration du Ministère de la réconciliation et de la cohésion nationale et du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS).

Première observation révélée par cette approche, il serait erroné de penser que la violence n’est due qu’aux affrontements épisodiques entre étudiants. Les causes sont multiples : elles tiennent tout à la fois de dynamiques internes au campus, mais aussi d’influences qui peuvent être attribuées à des acteurs extérieurs et autour de l’université. Au-delà des rivalités syndicales déjà bien documentées, des problèmes de gouvernance académique, d’accès aux prestations culturelles ou de pouvoir alimentent des pertes humaines, des destructions matérielles ou des violences sexuelles et économiques. Face à ce diagnostic, il semble nécessaire de prévoir des mécanismes de médiation et de dialogue réellement inclusifs.

C’est d’autant plus le cas que ce fonctionnement constitue même un symptôme des modes de revendication des syndicats universitaires. Une véritable « culture de la violence » faire partie de l’action collective de ces mouvements qui affirment ne pas être entendus s’ils n’y recourent pas. Mais cette approche provoque surtout des inégalités face aux services universitaires, une concurrence pour l’accès aux ressources et des blocages imposés, si besoin est par la force, autant à l’administration qu’aux membres-mêmes de ces organisations syndicales. Davantage de dialogue et de représentation démocratique doivent être garantis. Face à l’impunité et à l’insécurité, le personnel enseignant, administratif et technique offre de moins bonnes prestations.

Plus exposées aux menaces, les jeunes femmes sont parfois poussées à abandonner leurs études universitaires face aux violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) qu’elles subissent, en raison d’un climat de quasi-impunité et des conditions d’études difficiles. Certaines sont contraintes de dormir dans les amphithéâtres et de se laver dans les toilettes universitaires, en l’absence d’un logement adapté. Harcèlements sexuels et viols sont régulièrement observés dans cet écosystème universitaire. Les responsables de ces actes peuvent être des étudiants ordinaires ou des personnes en position de pouvoir, comme des enseignants, des responsables de mouvements étudiants et du personnel encadrant. Les dispositifs de prévention, de même que les mécanismes de signalement et de prise en charge des victimes, sont insuffisants ou parfois inexistants.

Au-delà des problèmes liés aux acteurs relevant directement de l’environnement académique, certains entrepreneurs politiques portent également une part de responsabilité. En parrainant certains syndicats universitaires, ils obtiennent en retour une masse de soutiens face à leurs rivaux dans la compétition politique nationale, certains étudiants intervenant comme prestataire de violence dans le champ politique. Cet adoubement protège souvent également ces jeunes de sanctions et de toutes formes de condamnations pour les actes délictueux dont ils se rendent coupables sur les campus universitaires, renforçant là encore l’impunité. Autre source de tensions, un syndicat peut parfois être convoité par deux entrepreneurs politiques, ouvrant le champ à une lutte de contrôle.

Face à ces difficultés, la recherche recommande davantage de mécanismes de lutte contre l’impunité et une gouvernance universitaire plus inclusive et basée sur la concertation. Des associations tentent depuis plusieurs années de réduire la violence universitaire. Mais elles ne se penchent pas sur les causes structurelles et sont souvent ostracisées par les syndicats. Leur rôle doit être valorisé et un dialogue doit être mené entre ces différents acteurs.

« Par le dialogue, l'écoute bienveillante et la conciliation, il est possible de mettre en place une gouvernance inclusive des différentes sensibilités qui composent le monde universitaire et, partant, assécher les terreaux fertiles sur lesquels prospère la violence sur nos campus», affirme le Dr Séverin Kouamé, sociologue et directeur exécutif d’Indigo Côte d’Ivoire.

Dans les trois institutions où la recherche a été menée, de plus en plus de personnes parmi les parties prenantes, qu’elles soient responsables de violences ou victimes, demandent un changement d’attitude. Le moment est venu de « pacifier durablement » les universités ivoiriennes.

 

Support for inclusive governance of natural resources to prevent conflict on the Burkina Faso – Ivory Coast Border

Conflicts over the use of resources (water and land) and pressure on protected areas are significant in the cross-border areas of Côte d'Ivoire and Burkina Faso. This area is increasingly exposed to the effects of climate change, which further accentuates competition for natural resources. As a result, there is a major risk of local and cross-border community conflict, accentuated by the effects of growing insecurity and the increasing flow of displaced people. Interpeace, in partnership with Indigo Côte d'Ivoire, has been running an initiative since January 2023 that aims to promote the stabilization and prevention of violent conflict through the strengthening of resilience, social cohesion and cross-border cooperation between these two countries.

The initiative began in the Cascades region of Burkina Faso, in the Comoé province (Niangoloko commune) and the Léraba province (Niankorodougou commune).

In Côte d'Ivoire, the Savanes district in the Tchologo region, more specifically in the Ouangolodougou department (Toumoukoro sub-prefecture and Kaouara sub-prefecture) has been targeted.

In a consensual manner and adapted to climate change, this project identifies and builds or rehabilitates social and economic infrastructures around which conflicts linked to natural resources are concentrated and implements the corresponding services. This is accompanied by the implementation of measures and mechanisms designed to promote social cohesion and the prevention and resolution of conflicts, particularly those linked to the use of natural resources. As a result, access to natural resources in the area will be pacified and improved, and conflicts over use and cohabitation in border communities reduced.

Côte d’Ivoire : Interpeace et le gouvernement vont encore davantage collaborer

Côte d'Ivoire is not spared from external threats and the dynamics of regional and global conflict. These further destabilise the already fragile social fabric and endanger the government's achievements in security and economic development.

Over the last few decades, Côte d'Ivoire has itself been marked by socio-political crises and regular cycles of violence that have profoundly affected the lives of Ivorians, the way they live together and social cohesion.

Threats linked to armed groups at the country's doorstep call for the strengthening of the internal social fabric to prevent any risk of tipping over. It is usual for these groups to exploit the cracks and fissures caused by various factors to act.

Pour contribuer aux efforts menés auprès de la société ivoirienne, Interpeace, qui est présent dans le pays depuis 2012, a signé le 21 octobre dernier une convention de partenariat avec le ministre de la réconciliation et de la cohésion sociale. Cet accord vise à renforcer la consolidation de la paix, la réconciliation et la cohésion nationale dans le pays côtier.

Les deux partenaires s’engagent à travailler de concert dans la recherche et le financement d’opportunités de collaboration responsables et bénéfiques pour atteindre ces objectifs. Résolu à coopérer étroitement, le ministère assurera le leadership politique, le pilotage et la coordination des projets d’Interpeace, notamment dans le cadre de l’actuel Project to prevent political violence and strengthen social cohesion through dialogue and citizen collaboration in Côte d'Ivoire (PREDIA).

For its part, Interpeace will provide technical and methodological support to inclusive dialogue in all regions of the country, capitalising on lessons learned from conflict prevention mechanisms set up in cooperation with its local partner, Indigo Côte d'Ivoire, and targeting in particular women and youth. The organisation will also support local prevention and reconciliation committees and actively participate in the elaboration of strategies at the technical and political level adapted to Ivorian peacebuilding priorities, with a view to building sustainable peace and contributing to the strengthening of social cohesion.

"We are very pleased to engage in this partnership with the Ministry of Reconciliation and Social Cohesion," says Interpeace's West Africa programme representative Alessia Polidoro. "The methodological rigour of our approach, the diversified experience of successful interventions in different contexts around the world and the expertise of our team and our local partner, Indigo Côte d'Ivoire, will be pooled with the Ministry to provide concrete, endogenous and sustainable solutions to the various challenges to be addressed.

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