Ministry of Interior, Federal Affairs & Reconciliation (MOIFAR) and Interpeace Forge Strategic Partnership for Peacebuilding in Somalia

Mogadishu, Somalia, 2 March 2024 – The Ministry of Interior, Federal Affairs & Reconciliation (MOIFAR) of the Federal Government of Somalia and Interpeace, an international organization dedicated to peacebuilding, have signed a Memorandum of Understanding (MoU) to advance the National Reconciliation Plan. This plan aims to rebuild trust among the Somali people and in government institutions for peaceful co-existence, recovery, and reconstruction.

The MoU, signed by His Excellency Ahmed Moallim Fiqi, Minister, MOIFAR, and Itonde Kakoma, President of Interpeace, establishes a partnership focused on promoting reconciliation, sharing expertise, and supporting peacebuilding processes across Somalia. Through this collaboration, MOIFAR and Interpeace aim to work on key areas to empower local communities, civil society, and government stakeholders in their joint pursuit of sustainable peace.

In his remarks on the partnership, Minister Ahmed Moallim Fiqi stated, "We are honored to commence this vital partnership with Interpeace. Together, we will endeavor to foster an environment conducive to peace and reconciliation through the framework of the national reconciliation pillars, which are crucial for Somalia's stability."

Interpeace, known for its 30 years of  community-led peacebuilding efforts, will utilise its experience and networks to aid MOIFAR's endeavors in Somalia. "This partnership represents a significant step towards a genuine commitment to advancing the National Reconciliation Plan," affirmed Itonde Kakoma, President of Interpeace.

The collaboration between MOIFAR and Interpeace marks a significant step forward in advancing peacebuilding and reconciliation efforts in Somalia. By embracing the principles of peace, dignity and participatory approaches, both parties are committed to contributing meaningfully to Somalia's journey towards sustainable peace and development.

For more information please contact:

Ahmed Abdullahi

Country Representative, Somalia Interpeace

abdullahi@interpeace.org

Les activités génératrices de revenus comme moyens de renforcement de la cohésion sociale

Dans le cadre de sa mission de consolidation de la paix, Interpeace a initié, avec l’appui technique et financier de la Fondation PATRIP, de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KFW), de l’Allemagne et du Danemark, le projet « Brique par brique : renforcer la cohésion sociale et prévenir les conflits à la frontière Mali-Burkina Faso ». Cette initiative vise à promouvoir la stabilisation économique, politique et sociale et la résilience des communautés vivant dans les régions fragiles, notamment le long des frontières entre le Mali et le Burkina Faso, et de favoriser la résolution locale des conflits et la prévention de l’extrémisme violent. A cette fin, Interpeace a développé un dispositif de soutien à l’autonomisation des femmes et des jeunes.

La crise sécuritaire et les conflits communautaires dans le Sahel appellent une synergie d’actions des Etats, des partenaires au développement et des organisations communautaires dans le but de réinstaurer ou de consolider la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Faisant écho à l’urgence inhérente à cette situation dans la bande frontalière Mali-Burkina Faso, Interpeace a développé, avec l’appui de la Fondation PATRIP, le projet « Brique par brique : renforcer la cohésion sociale et prévenir les conflits à la frontière Mali-Burkina Faso ». Cette initiative a été précédée d’une première phase qui a fait émerger, de façon participative, les dynamiques conflictuelles de la zone frontalière ainsi que les réponses à y adresser.

Au titre des pistes proposées, il ressort le développement d’activités génératrices de revenus avec une dimension environnementale dont l’objectif est de promouvoir l’autonomisation des populations vulnérables, notamment les femmes et les jeunes. Cette approche contribue à réduire les sources de tensions sociales autour de l’exploitation des ressources naturelles.

Au regard de la dimension communautaire des activités et pour des enjeux liés à l’appropriation locale et à la durabilité du projet, le soutien aux activités génératrices de revenus a été réalisé avec l’appui des organisations locales aussi bien au Mali qu’au Burkina Faso. Il s’agit notamment d’Esther Vision du Burkina Faso et de l’ONG Action pour le développement des initiatives locales (ADILO) du Mali.

Le dispositif d’accompagnement des activités génératrices de revenus a été développé suivant trois étapes. Après une étude d’identification et de vulgarisation des emplois verts, soixante femmes et jeunes ont été choisis et formés à l’élevage, à la production céréalière, à la transformation de produits forestiers non ligneux ou encore en apiculture. Les participants ont été suivant un processus participatif et inclusif et selon des critères de vulnérabilité, d’âge, de sexe et de résidence. A l’issue de la formation, des kits d’installation et de démarrage leur ont été remis. « J’ai reçu une formation en apiculture, puis j’ai été doté de matériels de production. Grâce à cela, j'exerce maintenant une activité qui est rentable et j’ai acquis de nouvelles connaissances sur la récolte et la commercialisation du miel », affirme Mamadou Traoré, un participant de Koloko, au Burkina Faso.

En sus, les activités génératrices de revenus promues suscitent des perspectives d’emplois différents dans l’optique de créer des alternatives aux activités liées à l’exploitation des ressources naturelles qui fait l’objet de tensions dans la zone d’intervention du projet. « Grâce à la formation, j'ai reçu des compétences qui me permettent d'améliorer ma productivité, la conservation et la commercialisation de soumbala. Aujourd’hui, nous réalisons plus de bénéfices », affirme Odette Sanou, une participante et productrice de soumbala de Koloko, au Burkina Faso.

Des propos recueillis auprès des jeunes et des femmes, il ressort que ces alternatives développées ont permis de réduire la compétition autour de l’exploitation des ressources naturelles. Les conflits sur cette question se sont par conséquent amenuisés. En effet, toutes les participantes ont reconnu qu’avant l’intervention du projet, les femmes tiraient l’essentiel de leurs revenus de l’exploitation des produits forestiers non ligneux : karité et néré entre autres. La compétition qui en découlait constituait une véritable source de conflits quotidiens. Ceux-ci transcendaient souvent les familles pour impliquer des villages entiers.

Aujourd’hui, la promotion des activités génératrices de revenus a non seulement réduit la concurrence autour de ces activités, mais a permis également aux femmes d’avoir d’autres perspectives, réduisant considérablement les conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles. Wassa SANOGO, participante résidant à Hermakono, au Mali a d’ailleurs affirmé que : « depuis que je me suis orientée vers l’élevage des petits ruminants, je m’entends mieux avec mes coépouses et les autres femmes qui transforment et écoulent les noix de karité ».

Aussi, les difficultés d’accès à la terre ont exacerbé le chômage et la précarité des jeunes. Cette situation les expose aux alternatives proposées par les groupes armés présents dans la zone. L’accompagnement pour la réalisation des activités génératrices de revenus est, de leur point de vue, de nature à accroître leur autonomisation et à renforcer leur résilience face aux tentatives de recrutement des groupes armés. DrissaTraoré, un participant résidant à Hermakono, au Mali, a soutenu que « grâce à la formation, j’ai pu acquérir des techniques culturales qui m’ont permis de cultiver le maïs sur un hectare et les récoltes s’annoncent bonnes. Je pense que si tous les jeunes avaient cette chance, les groupes terroristes n’auraient pas pu enrôler certains et nous serions en paix ».

En définitive, si les activités génératrices de revenus ont d’emblée vocation à soutenir l’autonomisation des femmes et des jeunes, elles contribuent à réduire la concurrence autour de l’exploitation des ressources naturelles et à renforcer leur résilience. Elles permettent par conséquent de prévenir les conflits et de renforcer la cohésion sociale. C’est pourquoi, pour Interpeace et ses partenaires, l’appui à ces activités comme moyens de subsistance constituent aujourd’hui une des alternatives de prévention des conflits et de promotion de la cohésion sociale.

Les jeunes innovateurs déterminés à faire parler la paix dans la région des Grands Lacs

Having long been plagued by instability, conflict, and war, the people of the Great Lakes region remain steadfast in their pursuit of peace.  With this objective in mind, young people from Rwanda, Uganda, the Democratic Republic of Congo (DRC) and Burundi met for three days in Kigali from 11 to 13 December for a workshop organised by Interpeace and its local partners, namely Pole Institute and Action pour la Paix et la Concorde (APC) in the Democratic Republic of Congo, Centre d'Alerte et de Prévention des Conflits (CENAP) in Burundi, Vision Jeunesse Nouvelle (VJN) and Never Again Rwanda in Rwanda. This workshop was part of the ‘Cross-border Dialogue and Youth Empowerment for Peace in the Great Lakes Region’ programme. The aim was to exchange ideas on peace initiatives led by young innovators and peace fellows supported by the programme.

Il a servi de platforme et d’opportunité pour discuter des efforts de consolidation de la paix dans la région ainsi que de saluer l’apport des jeunes à cette noble cause à travers leurs diverses initiatives mises en oeuvre dans leurs pays respectifs.

En RDC, les espaces MUUNGANO et l'initiative TUUNGANE KWA AMANI ont notamment été portées par des jeunes des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu respectivement, dans des milieux scolaires et universitaires ainsi que dans les communautés.

De leur côté, pour promouvoir la cohabitation pacifique entre les réfugiés et les communautés d’accueil, les jeunes innovateurs ougandais utilisent le football pour favoriser un espace de socialisation et d’échange entre ces deux catégories d’habitants, privilégiant ainsi les jeux pour promouvoir l’harmonie et l’entente dans leurs milieu.

L'initiative J’IBUNTU est celle lancée par ceux du Burundi pour faire advancer la résilience socio-économique dans leurs communautés. Ces jeunes recourent également aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, en établissant des plateformes de discussion sur les réseaux sociaux pour véhiculer leurs messages.

Enfin, au Rwanda, les innovateurs qui participaient militent pour la santé mentale et l’entrepreneuriat pour la paix par l'initiative AMANI YOUTH EXPO. La cible principale étant la jeunesse, ils forment, informent et sensibilisent sur ces questions.

Convaincus que la paix est possible et dans l'optique de pérenniser l'impact de leurs initiatives dans la région des Grands Lacs, après avoir reçu des certificats de mérite, ces jeunes innovateurs appellent tout un chacun à s'approprier le message de la consolidation de la paix. Ils insistent cependant sur le soutien et l'engagement actif des décideurs afin d’aboutir à une paix durable dans la region et se servent de leurs slogan: “Alors viens autour du feu, autour du feu de la paix autour du feu”.

Représentant l'Union européenne à cet atelier, le chef de la section politique à la délégation au Rwanda, Uwe Wissenbach, a rappelé le combat que mène cette coalition pour la construction de la paix et n’a pas manqué à saluer ces initiatives. "Résoudre les conflits, cela prend du temps et beaucoup d'énergie. L'important, c'est de faire intervenir des échanges d'idées pacifiques et qu'on puisse construire ensemble un avenir. Alors, j'ai écouté avec beaucoup d’attention les différentes interventions des jeunes des différents pays. Leurs initiatives sont louables", a déclaré Wissenbach.

Prenant la parole, le représentant de la Coopération suisse au développement à cet atelier, Dominique Habimana, a dit: “Les jeunes sont l’espoir non seulement de demain mais aussi d’aujourd’hui. Demain commence aujourd’hui. Ils possèdent de l’energie nécessaire pour relever les défis. Notre rôle doit être de les accompagner pour qu’ils jouent lemleur efficacement”.

Invité d’honeur à ces assises, le directeur général chargé de la communication et des partenariats au ministère rwandais de l'unité nationale et l'engagement civique (MINUBUMWE), Paul Rukesha, a appelé les jeunes à travailler ensemble pour combattre les discours de haine. "Nous encourageons les jeunes à s'unir, à avoir de l'amour et à éviter toute forme de discrimination”, a-t-il indiqué.

Depuis son lancement, le programme “Dialogue transfrontalier et autonomisation des jeunes pour la paix dans la région des Grands Lacs”, sous l’appui financier de l’Union européenne et de la Coopération suisse au développement, a apporté des changements remarquables sur le terrain.

Parmi ses principales réalisations, figurent 30 jeunes innovateurs et 120 peace fellows formés et encadrés pour devenir des acteurs de paix dans leurs pays et communautés respectifs; cinq initiatives innovatrices de consolidation de la paix développées par les jeunes, soutenues techniquement et financièrement par le programme; 19 dialogues intergénérationnels et interculturels et sept dialogues politiques organisés, facilitant ainsi un espace sûr pour que les jeunes et les aînés puissent discuter et promouvoir une culture de dialogue afin de surmonter les préjugés et les stéréotypes; deux festivals transfrontaliers de la paix au Burundi et au Rwanda, ayant atteint 821 participants; ou encore un sommet de la paix des jeunes des Grands Lacs tenu au Burundi en mars 2023 et qui a fourni aux jeunes un espace d’échange entre eux, avec les aînés et les décideurs politiques sur les défis auxquels est confrontée la nouvelle génération, de même que les opportunités de jouer pleinement leur rôle clé dans le processus de paix et de développement.

Côte d’Ivoire : comprendre les violences dans les universités pour mieux les prévenir

Les campus universitaires ivoiriens sont, depuis la fin des années 1990, constamment agités par des épisodes de violence. Lorsque ce ne sont pas les étudiants qui, par mouvements syndicaux interposés se confrontent, ce sont les tensions entre ceux-ci et les forces de l’ordre qui débouchent immanquablement sur des dégradations d’infrastructures universitaires, la destruction de biens de particuliers et, pire, des pertes en vie humaine. Aujourd’hui, les victimes de cette violence ne se comptent plus. Et l’impunité dont semblent jouir les auteurs questionne tout autant que la capacité de la réponse apportée par les autorités et les différents acteurs, alternant répression et tentatives de médiation, à répondre aux causes structurelles de celle-ci.

Pour tenter de mieux comprendre les dynamiques alimentant ce cycle quasi ininterrompu de tensions et de violence, de sorte à mieux les prévenir, Interpeace et son partenaire Indigo Côte d’Ivoire ont conduit un processus de Recherche action-participative (RAP) sur la question. En 2021 et 2022, étudiants, mais aussi enseignants, personnel administratif et décideurs ont été engagés dans une réflexion collective et de dialogue dans trois universités publiques du pays, celles de Nangui Abrogoua à Abobo-Adjamé, Alassane Ouattara à Bouaké et Félix Houphouët-Boigny à Abidjan-Cocody.

La recherche a été soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) avec le financement du Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies. Elle a pu s’appuyer sur la collaboration du Ministère de la réconciliation et de la cohésion nationale et du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS).

Première observation révélée par cette approche, il serait erroné de penser que la violence n’est due qu’aux affrontements épisodiques entre étudiants. Les causes sont multiples : elles tiennent tout à la fois de dynamiques internes au campus, mais aussi d’influences qui peuvent être attribuées à des acteurs extérieurs et autour de l’université. Au-delà des rivalités syndicales déjà bien documentées, des problèmes de gouvernance académique, d’accès aux prestations culturelles ou de pouvoir alimentent des pertes humaines, des destructions matérielles ou des violences sexuelles et économiques. Face à ce diagnostic, il semble nécessaire de prévoir des mécanismes de médiation et de dialogue réellement inclusifs.

C’est d’autant plus le cas que ce fonctionnement constitue même un symptôme des modes de revendication des syndicats universitaires. Une véritable « culture de la violence » faire partie de l’action collective de ces mouvements qui affirment ne pas être entendus s’ils n’y recourent pas. Mais cette approche provoque surtout des inégalités face aux services universitaires, une concurrence pour l’accès aux ressources et des blocages imposés, si besoin est par la force, autant à l’administration qu’aux membres-mêmes de ces organisations syndicales. Davantage de dialogue et de représentation démocratique doivent être garantis. Face à l’impunité et à l’insécurité, le personnel enseignant, administratif et technique offre de moins bonnes prestations.

Plus exposées aux menaces, les jeunes femmes sont parfois poussées à abandonner leurs études universitaires face aux violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) qu’elles subissent, en raison d’un climat de quasi-impunité et des conditions d’études difficiles. Certaines sont contraintes de dormir dans les amphithéâtres et de se laver dans les toilettes universitaires, en l’absence d’un logement adapté. Harcèlements sexuels et viols sont régulièrement observés dans cet écosystème universitaire. Les responsables de ces actes peuvent être des étudiants ordinaires ou des personnes en position de pouvoir, comme des enseignants, des responsables de mouvements étudiants et du personnel encadrant. Les dispositifs de prévention, de même que les mécanismes de signalement et de prise en charge des victimes, sont insuffisants ou parfois inexistants.

Au-delà des problèmes liés aux acteurs relevant directement de l’environnement académique, certains entrepreneurs politiques portent également une part de responsabilité. En parrainant certains syndicats universitaires, ils obtiennent en retour une masse de soutiens face à leurs rivaux dans la compétition politique nationale, certains étudiants intervenant comme prestataire de violence dans le champ politique. Cet adoubement protège souvent également ces jeunes de sanctions et de toutes formes de condamnations pour les actes délictueux dont ils se rendent coupables sur les campus universitaires, renforçant là encore l’impunité. Autre source de tensions, un syndicat peut parfois être convoité par deux entrepreneurs politiques, ouvrant le champ à une lutte de contrôle.

Face à ces difficultés, la recherche recommande davantage de mécanismes de lutte contre l’impunité et une gouvernance universitaire plus inclusive et basée sur la concertation. Des associations tentent depuis plusieurs années de réduire la violence universitaire. Mais elles ne se penchent pas sur les causes structurelles et sont souvent ostracisées par les syndicats. Leur rôle doit être valorisé et un dialogue doit être mené entre ces différents acteurs.

« Par le dialogue, l'écoute bienveillante et la conciliation, il est possible de mettre en place une gouvernance inclusive des différentes sensibilités qui composent le monde universitaire et, partant, assécher les terreaux fertiles sur lesquels prospère la violence sur nos campus», affirme le Dr Séverin Kouamé, sociologue et directeur exécutif d’Indigo Côte d’Ivoire.

Dans les trois institutions où la recherche a été menée, de plus en plus de personnes parmi les parties prenantes, qu’elles soient responsables de violences ou victimes, demandent un changement d’attitude. Le moment est venu de « pacifier durablement » les universités ivoiriennes.

 

Mali : amplifier la voix des femmes dans la société

Les Maliennes n’ont pas encore pu donner leur plein potentiel comme agentes du changement dans leur société. Beaucoup d’entre elles œuvrent pour davantage de prestations sociales dans les communautés et pour améliorer la cohésion et la consolidation de la paix. Mais trop souvent, leur engagement citoyen se heurte à des obstacles qui ne leur permettent pas d’y remédier. Parmi ceux-ci, le poids des normes socioculturelles, le manque d’accès à l’éducation et leur absence dans la prise de décision limitent les avancées pour elles sur cette question.

En réponse à cette situation, Interpeace et son partenaire local Aide au Développement Durable (ADD) ont officiellement lancé le projet "Voix des femmes : amplifier l'engagement citoyen et le rôle des femmes en agents de changement au Mali", financé par l'Union européenne (UE), à Bamako le jeudi 13 juillet. Jusqu'en 2025, les organisations de femmes du nord du pays, du centre et de la région de la capitale seront soutenues dans le renforcement de leurs capacités organisationnelles. Le dialogue avec les chefs traditionnels et les autorités sera élargi. Des actions de plaidoyer seront menées auprès d'un certain nombre d'acteurs clés afin d'accroître le rôle de ces femmes dans la construction de la paix.

Parmi les discours au lancement du projet, la représentante de la ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Ndeye Sow, conseillère en charge de l’autonomisation des femmes a relevé que le projet « vient à point nommé car il répond parfaitement aux soucis des plus hautes autorités de la transition pour l’émergence d’un Mali nouveau ». "On ne peut que se réjouir de cette initiative salvatrice", a-t-elle ajouté.

Présent pour la cérémonie, le maire de la commune du district de Bamako,Oumarou Togo, a invité Interpeace, son partenaire ADD et tous les acteurs à investir « pour faire de ce projet un succès inouï au bénéfice des organisations féminines de la société civile cibles ». La réussite de « Voix de femmes » dépendra de « l’implication effective de l’ensemble des parties prenantes à tous les niveaux », a fait remarquer de son côté la directrice régionale d’Interpeace, Maria Alessia Polidoro.

Un engagement qui n’est de loin pas une première pour Interpeace dans le pays. Présente depuis 2013, l’organisation avait déjà mené une vaste évaluation des défis du Mali pour la consolidation de la paix. Dans cette recherche action-participative (RAP) auprès de plus de 5000 personnes dans huit régions du pays et dans des camps de réfugiés dans trois Etats voisins, elle avait identifié les principaux obstacles à des avancées, ceux de l’érosion des valeurs sociétales, le manque d’accès des jeunes à l’emploi, les problèmes de gouvernance et l’insécurité.

Depuis, plusieurs projets ont été établis, dont « Voix de femmes » pour le plus récent. Pour garantir une large implication, des comités consultatifs régionaux et nationaux seront lancés pour guider toutes les initiatives et activités qui seront menées. Avec toujours comme objectif de faire entendre davantage au Mali la voix des femmes.

 

Réadaptation psychologique des détenus pour renforcer la cohésion sociale et la réconciliation au Rwanda

Le génocide de 1994 contre les Tutsi au Rwanda a eu des conséquences importantes sur la santé mentale, la cohésion sociale et le développement socio-économique. En 1996, environ 130 000 individus soupçonnés d'avoir participé avaient été arrêtés et détenus. L’une des conséquences majeures du génocide a été les graves problèmes de santé mentale rencontrés par les survivants en raison des horribles atrocités commises contre eux et leurs proches. Des études récentes ont conclu que même les condamnés pour ces violences subissent diverses détresses psychologiques en raison des atrocités qu'ils ont perpétrées et de leur incarcération, ce qui rend leur réintégration effective dans leur famille et leur communauté après leur libération assez complexe.

"J'ai été profondément traumatisé par ma vie difficile en prison et j'étais trop en colère contre ma famille parce qu'ils ne se souciaient pas de moi comme je l'aurais souhaité", a déclaré Edi (pseudonyme), un condamné pour génocide détenu à la prison de Bugesera. installation située dans la province orientale du Rwanda.

Le cas d’Edi n’est pas isolé, puisque son collègue Alpan (pseudonyme) a également souffert d’une profonde dépression et d’un isolement social pendant plus de 27 ans. « Je me sentais traumatisé et anxieux chaque fois que je pensais à ce que j'avais fait pendant le génocide et à la façon dont j'avais déçu ma famille et ma communauté. Ici, je ne voulais parler à personne et je m’étais désintéressé de tout car je pensais que ma vie n’avait aucun sens », raconte-t-il.

Un nombre important de personnes reconnues coupables de crimes de génocide ont déjà été libérées ces dernières années. Selon les études d’Interpeace, elles sont susceptibles de provoquer des tensions et de l’anxiété parmi les familles des survivants du génocide et dans la communauté en général, pouvant conduire à la récidive. L’incapacité à garantir leur réadaptation psychologique efficace constitue un obstacle majeur aux progrès en matière d’unité et de réconciliation, 29 ans après les atrocités.

Depuis 2020, Interpeace et ses partenaires locaux, Dignity in Detention Organisation, Haguruka et Prison Fellowship Rwanda, avec le soutien financier de l'Union européenne et du gouvernement suédois, mettent en œuvre un programme holistique de consolidation de la paix qui simultanément aborde la santé mentale , favorise la cohésion sociale et renforce les moyens de subsistance économiques, avec un accent particulier sur la réadaptation psychologique et la réinsertion des prisonniers.

 

Impact des espaces de guérison de sociothérapie en prison

Interpeace, en collaboration avec ses partenaires locaux, a établi des espaces de guérison par sociothérapie dans cinq prisons, à savoir Bugesera, Nyamagabe, Musanze, Nyagatare et Ngoma, afin de fournir aux détenus sur le point d'être libérés des services de soutien psychosocial de groupe.

Après un processus de sélection rigoureux visant à évaluer leur niveau de détresse et leurs besoins, les détenus en voie de libération sont répartis en groupes de 12 à 15 membres chacun. Guidés par des codétenus bien formés, ils s'engagent dans des dialogues de guérison qui durent 15 semaines. Menés dans un espace sécuritaire et un environnement propice, ceux-ci simulent la guérison mutuelle, la tranquillité d’esprit et la cohésion.

« Les espaces de guérison en sociothérapie m'ont permis de réaliser qu'être en prison n'est pas la fin de ma vie. Avant, j’étais désespéré et je pensais que ma vie n’avait aucune valeur. Mais maintenant, j'ai retrouvé le sentiment d'un avenir meilleur après ma libération, qui est prévue dans moins de deux ans », a déclaré Alpan, qui a ajouté : « ils m'ont aidé à renouer avec celui que j'ai offensé. Nous nous parlons souvent au téléphone et je me sens prêt à lui demander pardon après ma libération ».

Comme ses codétenus, les espaces de guérison par sociothérapie ont permis à Edi non seulement de faire face à ses détresses et de renouer avec sa famille mais aussi de vivre en paix et en harmonie avec les autres prisonniers. En juin 2023, le premier groupe de 182 détenus a obtenu son diplôme dans les espaces de guérison de quatre prisons. Auparavant, plus de 50 ont obtenu leur diplôme au cours d'une phase pilote du programme mis en œuvre dans le district de Bugesera, à l'est du Rwanda, de 2020 à 2022. Selon l'objectif du programme, trois groupes obtiennent leur diplôme chaque année. Ceux qui sortent des espaces de guérison acquièrent des compétences pratiques qui les rendent mieux équipés pour lancer des opportunités de subsistance et gagner leur vie après leur libération.

Formation des agents correctionnels sur la mise en œuvre du programme

Interpeace a travaillé avec le Service correctionnel du Rwanda (RCS) pour élaborer un programme standardisé de réadaptation et de réintégration des prisonniers, qui a été adopté en juillet 2022. Le dispositif œuvre comme guide pour harmoniser le processus dans tous les établissements pénitentiaires et est mené par des agents correctionnels formés.

Du 5 au 11 juin, RCS, avec le soutien d'Interpeace, a organisé une formation de formateurs pour 45 agents correctionnels sur la mise en œuvre du programme. Les participants ont été sélectionnés dans des établissements correctionnels de tout le pays. Ceux qui terminent la formation formeront également leurs collègues en service. Le directeur des prisons Alain Gilbert Mbarushimana, l'un des participants, a salué la formation, déclarant qu'elle a renforcé leur capacité à mieux accompagner les détenus.

« Au cours de cette formation, nous avons appris diverses approches innovantes en matière de réhabilitation des détenus. Je suis convaincu que cela nous permettra d’aider efficacement les détenus à devenir de meilleures personnes. Nous nous sentons pleinement équipés pour partager nos connaissances et nos compétences avec nos collègues de tous les établissements pénitentiaires », a déclaré le surintendant Mbarushurishama.

Lors de la cérémonie de clôture de la formation, le commissaire des prisons Jean Bosco Kabanda, responsable de la Division éthique et doctrine au RCS, a souligné l'importance de celle-ci pour permettre à l'institution de remplir son mandat de réhabilitation des détenus pour qu'ils deviennent de meilleurs citoyens.

Il a également révélé que le programme sera associé aux cours de l’école de formation du RCS proposés au personnel nouvellement recruté et aux cours de recyclage destinés aux officiers en service.