Soutenir la guérison des traumatismes sociétaux au Rwanda – L’histoire d’Evariste

 

Plus de 28 ans après le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994, les Rwandais souffrent toujours de problèmes de santé mentale, notamment de profonds traumatismes, de dépression et d'anxiété. En réponse, Interpeace a lancé des espaces de guérison communautaires pour aider à décentraliser les services de santé mentale et de soutien psychosocial. Evariste Buregeye avait du mal à surmonter ses traumatismes et sa dépression. Grâce à l’espace/groupe de guérison axé sur la résilience lancé dans le district de Bugesera, à l’est du Rwanda, il a pu guérir et retrouver l’espoir en l’avenir. Depuis, il a repris goût au travail et au mariage. Son histoire prouve que la paix intérieure individuelle est le fondement d’une paix et d’un développement durables.

Comment les espaces de guérison communautaires renforcent la résilience mentale au Rwanda

Au Rwanda, un pays qui a connu un immense traumatisme suite au génocide contre les Tutsi en 1994, les espaces de guérison communautaires offrent un environnement sûr et propice aux individus pour renforcer leur résilience mentale. Ces espaces contribuent à éztablirune culture de compréhension et d’acceptation, permettant aux gens de partager leurs histoires et de trouver du réconfort dans l’expérience collective de guérison. Evariste Buregeya, 49 ans, habitant du district de Bugesera, dans l'est du Rwanda, s'efforce, comme beaucoup d'autres, de surmonter le traumatisme qu'il a vécu en 1994.

Dans une famille de neuf personnes, seuls son jeune frère et sa sœur et lui ont survécu aux atrocités du génocide. C’était le catalyseur d’une vie de misère et de désespoir, le plongeant dans un profond état de traumatisme et de dépression. Il a perdu tout intérêt à étudier ou à travailler, car il n’avait aucun espoir pour l’avenir. À l’âge de 49 ans, il reste célibataire, hanté par la peur que le génocide ne se reproduise et que sa nouvelle famille ne soit massacrée.

Les problèmes de santé mentale restent un obstacle majeur à la résilience mentale, sociale et économique pour une partie considérable de la population rwandaise, ainsi qu'à la cohésion et à la réconciliation de la communauté, selon plusieurs études menées par les institutions gouvernementales rwandaises telles que le ministère de la Santé (RBC 2018) et l’ancienne Commission nationale pour l’unité et la réconciliation (Rwanda Reconciliation Baromoter- 2020), entre autres.

Evariste a repris espoir après avoir rejoint un espace de guérison thérapeutique axé sur la résilience établi par Interpeace à travers son partenaire, le Groupe des anciens étudiants et élèves rescapés du génocide (GAERG), dans le cadre de son programme sociétal de guérison des traumatismes au Rwanda, financé par l'Union européenne et le Gouvernement suédois par l’intermédiaire de l’Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (Sida). La thérapie axée sur la résilience est un traitement de groupe en plusieurs phases qui se concentre sur la régulation des émotions pour lutter contre l'anxiété ou la dépression, l'autogestion comportementale contre la toxicomanie ou l'agression et le développement de l'identité contre le vide chronique ou l'aliénation. Elle a été lancée au Rwanda en 2020 par Interpeace en étroite collaboration avec l'agence spécialisée du ministère de la santé, le Rwanda Biomedical Centre (RBC), pour offrir un soutien psychosocial aux personnes aux prises avec une détresse psychologique et renforcer leur résilience mentale. En rejoignant cet espace de guérison, Evariste a pu retrouver l’espoir et un sens renouvelé d’objectifs.

Après avoir fréquenté ce dispositif pendant trois mois avec neuf autres personnes de son quartier confrontées aux mêmes défis, Evariste a reconnu que la thérapie avait changé positivement sa vie.« Je ne me sens plus déprimé ; mes pensées suicidaires ont disparu et j'ai retrouvé mon sourire », raconte-t-il, ajoutant que « ma peur d'un potentiel génocide n'est plus. Mon projet est de me marier bientôt et de fonder une belle famille ».

Les dix membres du groupe qui ont fréquenté l'espace de guérison ont été identifiés lors d'un processus avant le début du dispositif, scientifique et rigoureux et mené par Interpeace et ses partenaires. Ceux-ci évaluent les besoins et le niveau de détresse des individus, avant de les affecter aux groupes d’intervention appropriés.

Animés par des psychologues bien formés, les espaces de guérison axés sur la résilience établissent un environnement propice permettant aux participants de partager leurs expériences traumatisantes, leurs histoires et leurs défis quotidiens, de se soutenir et de s'entraider dans le processus de guérison.

L’histoire d’Evariste n’est pas isolée. L'Enquête sur la santé mentale au Rwanda (RMHS) de 2018 menée par le Centre biomédical du Rwanda (RBC) a révélé que la prévalence de divers troubles mentaux au Rwanda est supérieure à la moyenne mondiale, en particulier parmi les survivants du génocide. Une mauvaise santé mentale a un effet néfaste sur leur bien-être social et économique.

L'Enquête sur la santé mentale a révélé que seulement 5 % des Rwandais souffrant de problèmes de santé mentale recherchent une aide médicale, en partie à cause de la stigmatisation culturelle associée à la thérapie individuelle et de la demande écrasante de services de santé mentale qui dépasse la capacité des professionnels disponibles.

La Dre Yvone Kayiteshonga, directrice de la division Santé mentale de RBC, apprécie l’impact de la thérapie axée sur la résilience pour relever les défis rencontrés. « Les approches communautaires et de groupe qu'Interpeace utilise pour améliorer le bien-être mental des individus sont adaptées aux réalités du contexte, compte tenu du grand nombre de Rwandais qui ont besoin d'un traitement », note-t-elle. Elles « sont prometteuses et ont montré que les personnes ayant subi un traumatisme peuvent guérir et retrouver confiance et espoir en un avenir meilleur ».

Le programme soutient les efforts du gouvernement visant à construire un système national de santé mentale décentralisé en renforçant les infrastructures, développant les capacités des professionnels locaux et établissant un réseau de coordination des services de santé mentale et de soutien psychosocial au niveau local. Il offre également des équipements tels que la clinique mobile de santé mentale qui permet aux professionnels d'accéder aux communautés éloignées et de donner des soins à domicile.

RDC : un comité pour aider les journalistes du Kasaï à une approche qui facilite la résolution des conflits

La production journalistique et les délits de presse en période électorale peuvent parfois contribuer à des conflits violents en République démocratique du Congo (RDC). Pour tenter de réduire ce problème, les professionnels des médias du Kasaï ont mis en place une plateforme pour la promotion de la paix sur toute l’étendue de la province. Ce nouveau mécanisme a été lancé le samedi 28 janvier au terme d’un atelier de deux jours, organisé à Tshikapa par l’ONG Action pour la paix et la concorde (APC) en partenariat avec Interpeace, sur la sensibilité aux conflits. Cette activité s’inscrit dans le cadre du projet de renforcement de la gouvernance inclusive de la paix en RDC, plus particulièrement dans la province du Kasaï, mis en œuvre depuis 2021 par ces deux institutions en collaboration avec le gouvernement provincial.

A l’ouverture de cet atelier, le ministre provincial des transports, Ditunga Beya, venu représenter le gouverneur, a invité les journalistes à faire un bon travail pour permettre à la population d’évaluer ses élus dans un climat de paix.

« Cet atelier est ainsi une occasion de solliciter de manière particulière les journalistes pour faire des productions journalistiques et les acteurs politiques qui occupent des espaces dans différentes chaines de radios locales de faciliter aux Congolais la possibilité d’évaluer leurs dirigeants politiques dans un climat de paix et de concorde », a-t-il déclaré.

Financé par l’Agence suédoise SIDAce projet cherche à ce que les autorités politiques, administratives et coutumières établies à Kamonia, Kamako, Kakenge et Tshikapa soient engagées dans le processus de résolution pacifique des conflits. Tout en posant de premiers jalons de mise en place des outils de la gouvernance de paix en RDC.

La ville de Tshikapa, chef-lieu de la province du Kasaï, créée par la Constitution de la RDC de 2006 et matérialisée en 2015 par démembrement des provinces, compte plus de quinze stations de radios communautaires appartenant à différents acteurs politiques nationaux, provinciaux et locaux. Ceux-ci sont pour la plupart aux antipodes, au lieu d’être juxtaposés, dans leurs adresses publiques et politiques. Ainsi, certains acteurs avaient décrié le rôle d’amplificateur des conflits violents et intercommunautaires que jouent ces radios locales parce que leurs informations radiodiffusées sont écoutées dans les recoins de la province.

Cette plateforme est chapeautée par Bethy Mukubayi, de la radio Voix de votre communauté (VVC), accompagnée de Célestin Kadiandanda de la radio Télé Entrinel au secrétariat et de Diaris Kindalo de la radio ondes du progrès qui s’occupera de suivi des professionnels des médias de cette plateforme dans les réseaux sociaux.

Cet atelier a constitué un motif de satisfaction pour les journalistes de la ville de Tshikapa qui le considèrent comme le premier du genre et qui tombe à point nommé. Ces personnes souhaitent que le dispositif soit étendu dans tous les territoires de la province du Kasaï et pourquoi pas sur tout le territoire national.

Les étudiants réunis avec les autorités et dirigeants communautaires pour une sortie de crise en Ituri

Les jeunes ont toute leur part pour atteindre une paix durable dans la province de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC). Pour renforcer la collaboration avec les autorités, des étudiants ont rencontré le 27 janvier 2023 les leaders de Bunia et une conseillère du gouverneur lors d’une tribune d'expression populaire organisée à l’Université de Bunia. A l’invitation du consortium constitué d’Interpeace, d’Action pour la paix et la concorde (APC), du Pole Institute et du Centre pour la coopération internationale de la New York University, des questions de paix et les défis pour l’implication de la jeunesse ont été mis sur la table dans des échanges sans tabou.

Les étudiants ont été appelés à briser la peur pour que les enjeux sécuritaires soient suffisamment débattus. Devant l’insistance des participants, Irène Vahweka, conseillère du gouverneur chargée des questions de la jeunesse, a expliqué de son côté en quoi l’Etat de siège est une opportunité pour ramener la paix dans la région. Pour elle, la question de la résilience et de la paix en Ituri implique surtout la participation de la jeunesse.

Selon Mme Vahweka, la démarche actuelle du gouverneur de province, avec certains partenaires, pour la mise en place de cadres de dialogue inter et intracommunautaire doit permettre d’éviter le pire.

« Il ne faut pas croiser les bras, vous devez sensibiliser les autres jeunes à accompagner l’Etat de siège car sa réussite permettra le développement de l’Ituri », a-t-elle fait savoir.

Cette réunion publique a permis à plusieurs jeunes de s’exprimer librement devant les autorités. Pour Daniel Ambunga, il faut répéter régulièrement ce format pour encourager les jeunes à dénoncer ce qui ne marche pas dans la région.

« Cette province est encore jeune. Elle a quatre grands groupes ethniques. Avec des conflits, on n’ira nulle part. Chez nous, on tue les gens tous les jours. Des espaces comme ça nous permettent de présenter la situation de notre milieu où des rebelles circulent librement. Nous la jeunesse, nous sommes capables et notre contribution est de pouvoir s’exprimer à travers de telles assises », affirme cet étudiant.

Cette réunion publique a permis à plusieurs jeunes de s’exprimer librement devant les autorités. Pour Daniel Ambunga, il faut répéter régulièrement ce format pour encourager les jeunes à dénoncer ce qui ne marche pas dans la région.

« Cette province est encore jeune. Elle a quatre grands groupes ethniques. Avec des conflits, on n’ira nulle part. Chez nous, on tue les gens tous les jours. Des espaces comme ça nous permettent de présenter la situation de notre milieu où des rebelles circulent librement. Nous la jeunesse, nous sommes capables et notre contribution est de pouvoir s’exprimer à travers de telles assises », affirme cet étudiant.

Comme lui, Emérence est étudiante dans la même université. Elle se dit satisfaite des réponses données à ses différentes questions en lien avec le Processus de désarmement, démobilisation et réintégration communautaires (P-DDRCs) et son niveau d’avancement. Mais elle souhaite des actions concrètes.

Parmi les participants figurait également le président du Conseil provincial de la jeunesse, Gentil kaniki. Il demande aux autorités de toujours associer les jeunes aux processus de paix et salue l’organisation des tribunes d’expression populaire.

« C’est un moyen qui permet aux jeunes de présenter le vrai problème et les défis afin de proposer des pistes de solution en complicité avec les différentes parties prenantes », explique-t-il. Selon lui, il faudrait élargir ces activités vers l’intérieur de la province pour améliorer le lien entre les jeunes et les autorités.

Cette tribune d’expression populaire entre dans le cadre du projet de soutien à la médiation pour la résilience et la paix en Ituri et au Grand Nord-Kivu financé par l’Union européenne.

Faciliter le dialogue intra- et intercommunautaire à Mandera pour mettre fin aux hostilités

Le comté de Mandera, situé dans le Triangle de Mandera, abrite les tribus Garre, Degodia, Murulle et Corner et partage une frontière internationale avec l'Éthiopie au nord et la Somalie à l'est. Cette région abrite un cadre culturel et politique complexe entre les différents clans ethniques somaliens vivant de part et d’autre des frontières des trois pays hôtes. En décembre 2022, des affrontements interclaniques ont éclaté dans le comté de Mandera, faisant dix morts et de nombreux blessés. Ces violences sont un rappel brutal de la fragilité de la paix dans la région. Le 20 décembre 2022, un homme de la tribu Garre a été tragiquement tué à Malkawila, en Éthiopie, déclenchant une série d'attaques de représailles de la part de sa communauté contre un village de Degodia près de Chiroqo au Kenya.

En réponse aux affrontements, Interpeace, en coordination avec des responsables du gouvernement du comté de Mandera et avec le soutien du ministère fédéral des Affaires étrangères d'Allemagne, a organisé des dialogues de paix intercommunautaires avec les communautés de Garre et Degodia. Ces réunions ont été divisées en rassemblements préliminaires intracommunautaires et intercommunautaires pour un cessez-le-feu et en une caravane de paix conjointe pour la sensibilisation communautaire, visant à parvenir à la cessation des hostilités et au retour à la normale.

Pourparlers de cessez-le-feu entre Garré et Degodia

Le 21 décembre 2022, 180 membres de la communauté de Garre se sont réunis avec le gouverneur du comté, Mohamed Adan Khalif, le député de Banisa, Kulow Maalim Hassan, et d'autres dirigeants politiques de Garre pour discuter des récentes escarmouches. La communauté a ensuite tenu une réunion d'autoréflexion interne les 22 et 23 décembre 2022 pour planifier la restitution des membres assassinés de la communauté Degodia et de celui tué par Garre du côté kenyan.

Traditionnellement, si un membre d’un clan tue un membre d’un autre clan, le clan de la victime venge la mort en prenant des mesures contre le clan tueur. En 2019, Interpeace a négocié l’accord de paix de Banisa, qui stipulait que le groupe des délinquants verserait une indemnisation au groupe des défunts à titre de réparation au lieu de la vie du délinquant. Cependant, s'exprimant sur la mise en œuvre de la restitution, le major Bashir Abdullah, député de Mandera Nord, a souligné que le règlement monétaire s'est révélé inefficace. Malgré l'augmentation de l'indemnisation de 1 million de KES à 4,5 millions de KES, les meurtres n'ont pas cessé, obligeant de nombreuses personnes à rechercher d'autres formes de restitution.

« Nous vous exhortons, notre peuple, à identifier les auteurs de ces crimes et à les traduire en justice. Si vous apprenez que j'ai été tué par les Garré, ne vous vengez pas, arrêtez les criminels », a déclaré le député.

Après de longues consultations, les anciens du village ont convenu de cesser immédiatement les hostilités et les meurtres en représailles contre les Degodia au Kenya et de l'autre côté de la frontière, conformément aux instructions des dirigeants locaux. Après de longues délibérations, la communauté de Garre a décidé de mettre en œuvre un plan de restitution qui rendrait justice aux victimes et à leurs familles, tout en empêchant de nouvelles violences.

Caravane conjointe de la paix pour la sensibilisation communautaire

Les dirigeants politiques du comté et du comté voisin de Wajir, les anciens de la communauté, les membres du Comité de surveillance du cessez-le-feu (CMC) et l'équipe de consolidation de la paix se sont récemment réunis à Guba, Chiroqo et Malkamari pour un rassemblement pour la paix afin d'exprimer leurs condoléances à la communauté de Degodia et à encourager celle-ci à s’engager en faveur de la paix et à s’abstenir de se venger des membres du clan tués.

Les dirigeants ont souligné l'importance de maintenir la paix et d'éviter les représailles, implorant les Degodia de Guba de veiller à ce qu'aucun autre incident ne soit observé et qu'un cessez-le-feu immédiat soit établi. Ils ont également rappelé à la communauté les conséquences des représailles violentes et l’importance de résoudre les conflits de manière pacifique.

« Il est interdit de tuer une âme innocente. Le Coran l’interdit, et quiconque le fera – que ce soit en représailles ou pour toute autre raison – passera l’éternité dans le feu de l’enfer. Selon notre religion, et selon les apparences, même en tant que vos dirigeants, les crimes commis par notre peuple nous condamneraient définitivement à la damnation. Il est terriblement regrettable que vous nous égariez », a déclaré Kullow Maalim Hassan, député de Banisa.

La caravane de la paix s'est ensuite rendue à Chiroqo et a réitéré le même message : préserver le cessez-le-feu et s'abstenir de toute action de représailles. Cependant, les habitants ont exprimé leur inquiétude d'avoir été constamment affectés par le conflit Garre-Degodia. En réponse, les engagements intercommunautaires et intracommunautaires ont été soutenus par la bonne volonté politique et les parties prenantes des communautés de Garre et Degodia, aboutissant à une série de rassemblements pour la paix dans les villes de Banisa, Guba, Choroqo et Malka Mari. Cette situation a finalement abouti à un accord pour une cessation immédiate des hostilités et un retour à la paix et à la stabilité.

Aller de l'avant

Les divisions intercommunautaires et les conflits dans la zone de Dawa et du Liban en Éthiopie, dont les représailles ont lieu au Kenya, restent un obstacle majeur aux efforts de consolidation de la paix. Il est essentiel que toutes les parties prenantes collaborent pour garantir une paix durable. Interpeace recommande de continuer à se concentrer sur la résolution des conflits entre Garre et Degodia pour le plus grand bien du comté de Mandera ; que des engagements transfrontaliers plus larges soient lancés pour aboutir à une résolution durable des conflits transfrontaliers et internes ; et que les comités de surveillance du cessez-le-feu (CMC) des comtés soient constitués pour les doter des compétences et des ressources nécessaires aux systèmes d'alerte précoce et de réponse afin d'éviter les conflits violents.

Éléments constitutifs d'un groupe consultatif national indépendant pour une réforme réussie de la police en Éthiopie

La transformation des services de police est le but ultime de la doctrine policière éthiopienne. Établie sous l'égide du ministère de la paix, la doctrine est établie sur les principes de démocratisation, démilitarisation, décentralisation et dépolitisation. À travers quatre piliers, elle vise à des institutions policières axées sur le service, où les policiers se consacrent à maintenir la confiance du public et à protéger les droits consacrés dans la Constitution.

Pour une mise en œuvre réussie des programmes de police communautaire à travers le pays, la doctrine policière souligne que le lancement de groupes consultatifs indépendants (GIC) à différents niveaux est essentiel. En conséquence, tous les États de la région, à l’exception du Tigré et du Sud-Ouest, ont établi ces dispositifs allant de Ketena au niveau régional. Cependant, le lancement d'un GIC national a mis du temps à se concrétiser en raison des diverses difficultés rencontrées pour rassembler toutes les parties prenantes.

Afin de faciliter celui-ci dans le cadre du projet de renforcement de la confiance entre la police et les communautés en Éthiopie, soutenu par le Royaume des Pays-Bas, Interpeace a organisé un atelier conjoint avec la bourse Justice pour toutes les prisons en Éthiopie. Celui-ci a réuni le président de la Chambre des représentants du peuple de la République fédérale démocratique d’Éthiopie, les commissaires de police fédéraux et régionaux, les membres des GIC aux niveaux régionaux et les dirigeants religieux et communautaires. L'atelier a offert une plateforme de partage d'apprentissages et de preuves empiriques, mettant en lumière les performances, les opportunités et les défis auxquels les groupes sont confrontés à différents niveaux.

Dans le passé, l’architecture de sécurité régionale et fédérale de l’Éthiopie a été entachée d’ingérences politiques. Malgré la Constitution du pays qui protège la police de toute forme d’intrusion politique, les services de police étaient organisés de manière à permettre l’ingérence de l’élite politique. Cependant, suite à des changements politiques majeurs dans le pays à travers le programme de doctrine policière, le gouvernement s'est engagé à réformer le secteur de la sécurité, y compris la police. Plus précisément, la doctrine soulignait explicitement le rôle indispensable des GIC pour libérer la police de toute ingérence politique. Par ailleurs, la structure de ceux-ci a également pour mandat de promouvoir l'engagement actif des citoyens dans la mise en œuvre des programmes de police communautaire à différents niveaux.

Partageant ses connaissances d'un GIC actuellement en cours dans l'État régional de Somalie, Ahmed Sultan, chef religieux et membre de ce groupe, a noté que le manque de financement et de soutien suffisants pour un dispositif national entrave la promotion de la coopération interrégionale au-delà des frontières régionales. Il croit fermement que la lancement d'un GIC national aidera les entités régionales à devenir plus efficaces.

« La structure du GIC joue un rôle essentiel en encourageant la participation active des citoyens pour garantir la paix et la stabilité régionales. Comme vous le savez tous, la région Somali est vulnérable à diverses menaces de sécurité internes et externes et il est donc impossible pour la police de gérer toutes ces menaces. En conséquence, la structure du GIC collabore étroitement avec la police et d'autres structures telles que le programme de surveillance de quartier (NWP) pour promouvoir la paix dans la région », a-t-il souligné.

Les GIC sont reconnus pour jouer le rôle précieux d'« amis critiques » du service de police en tant que forum où des conseillers indépendants se réunissent pour rechercher des solutions aux problèmes communs au sein de la communauté. Dans un contexte d’ingérence politique de l’élite politique, et donc de méfiance du public, les réformes de la police par le biais de ces dispositifs pourraient mieux apporter la confiance indispensable entre les communautés et la police. Le lancement d’un GIC au niveau national aura probablement un résultat positif en facilitant la communication entre les services de police à travers le pays.

L'atelier s'est terminé par l’établissement et la nomination de représentants auprès de ce dispositif au niveau national, une démarche qu'Interpeace continuera de soutenir dans le but de démocratiser les services de police en Éthiopie.