Défis et opportunités pour une mise en œuvre apaisée et effective du processus de Délimitation des territoires des villages (DTV) en Côte d’Ivoire

Cette note de synthèse présente les causes des tensions et blocages induits par les politiques de délimitation des territoires des villages (DTV) en Côte d’Ivoire, et propose des pistes d’action pour y répondre et favoriser une mise en œuvre plus apaisée et cohésive de ces processus.

Défis et opportunités pour une mise en œuvre apaisée et effective du processus de préservation des forêts classées et aires protégées en Côte d’Ivoire

Cette note de synthèse présente les causes des tensions et blocages induits par les politiques de préservation des forêts classées et aires protégées en Côte d’Ivoire, et propose des pistes d’action pour y répondre et favoriser une mise en œuvre plus apaisée et cohésive de ces processus.

Gestion des conflits fonciers en Côte d’Ivoire: « Le cadre de collaboration nous permet d’ouvrir le dialogue avec l’Etat pour trouver des solutions pour l’avenir de nos enfants »

Dans certains villages riverains des aires protégées et des forêts classées en Côte d’Ivoire, les tensions entre les agents forestiers et les habitants sont une source majeure de conflits. Les agents de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) ou de la Société de développement des forêts (SODEFOR) sont souvent considérés comme des agents de répression envoyés par l’Etat pour sanctionner les populations, et leur rôle dans la préservation est mal compris. De même, ces représentants de l’Etat perçoivent les communautés comme un danger pour l’environnement qu’ils s’évertuent à protéger. Le forum national sur la mise en œuvre apaisée et effective du processus de préservation des forêts classées et des aires protégées, organisé par Interpeace et son partenaire Indigo Côte d’Ivoire le 24 mars à Abidjan, a proposé des solutions durables à ce problème.

Les deux institutions ont tenu un évènement-clé pour clore le projet Participation à la Gestion du Foncier Rural (PAGEFOR) démarré en février 2019 et portant sur les dynamiques de conflits autour de ce processus, d’une part, et de celui de la délimitation des territoires de village (DTV), d’autre part. Le forum a attiré des décideurs politiques, dont la sénatrice chargée des questions relatives à l’environnement, Emilienne N’tamé Anikpo, des représentants des agences techniques chargées de la préservation, des organisations de la société civile et des acteurs internationaux. Cette réunion a permis de dresser le bilan du projet dont le premier objet était de contribuer à l’inclusivité, à la durabilité et à la bonne gouvernance des processus de préservation des aires protégées et des forêts classées tout en diminuant les tensions qui y étaient liées. Le projet s’est principalement déroulé dans quatre villages riverains de la forêt classée du Goin Débé (Cavally) et du parc national du Mont Péko (Guémon), à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Dans ces zones, des conflits latents existent entre la population et les agents de l’Office ivoirien des parcs et réserves (OIPR) ou de la Société de développement des forêts (SODEFOR), qui affectent le vivre-ensemble et entravent la politique de préservation.

Parmi les progrès importants du projet, il convient de noter la création de cadres de collaboration qui ont permis de mener un dialogue structuré et régulier entre les représentants des communautés des villages de Paris-Léona (Cavally) et Bagohouo (Guémon), le chef de zone de l’OIPR ou de la SODEFOR et le sous-préfet. Ces formats ont favorisé un dialogue ouvert entre les parties prenantes afin d’instaurer la confiance et de trouver des solutions pour soulager les tensions.

« Avec l’expérience vécue avec Indigo, on a compris qu’il ne faut pas tout régler par la bagarre, qu’il faut s’asseoir avec les représentants de l’Etat pour débattre. Aujourd’hui, on arrive à s’entendre avec le sous-préfet, avec le chef du village. Le cadre de collaboration nous permet d’ouvrir le dialogue avec l’Etat pour trouver des solutions pour l’avenir de nos enfants. Au début, c’était pas pareil, on voyait l’OIPR comme l’ennemi numéro un.» - a commenté Nomane Yro , président du cadre de collaboration de Bagohouo.

Ces mécanismes ont participé à l’amélioration de la cohésion sociale dans ces localités en réduisant les tensions et les peurs entre les populations et les agents de l’OIPR et de la SODEFOR. Les citoyens ont désormais une meilleure compréhension du rôle des agents, de l’objectif de préservation et de ses moyens de mise en œuvre. Les agents communiquent mieux et plus régulièrement avec les populations et commencent à mettre en place des actions communes pour la préservation de l’environnement : « il faut mettre l’accent sur la collaboration avec les autochtones. Les tensions que nous avons pu baisser dans les localités, c’est avec le concours des populations » - a affirmé Desiré Tanoh , sous-préfet de Bagohouo.

« Indigo est venu pour mettre un cadre de collaboration en place pour travailler avec la SODEFOR. Ensemble, nous sommes allés à Ira [autre forêt classée] pour regarder comment la politique de reboisement avait été faite. Et nous avons compris. Paris Leona va reboiser la forêt classée du Goin Débé et l’Etat va venir voir» -  Jean-Baptiste Guei, Chef Adjoint du village de Paris-Léona.

Le forum national d’échange pour une mise en œuvre apaisée et efficace du processus de préservation des aires protégées et des forêts classées a présenté les résultats de la recherche menée par Interpeace et Indigo CI sur les défis et lancé une discussion sur les pistes de solution. Parmi les défis ont été identifiés les différences de compréhension du processus de préservation selon les parties prenantes ; les insuffisances de l’Etat dans l’application du processus ; la crise de confiance verticale entre populations et agents forestiers représentants l’Etat, née de ces mauvaises compréhensions et de cette insuffisance ; et la crise de confiance horizontale entre communautés, amplifiée par un sentiment de traitement inégal de la part des agents forestiers.

Crédit photo : Interpeace

Plusieurs pistes d’action ont été discutées en plénière pour répondre à ces défis, dont  : la nécessité de générer une compréhension partagée entre populations, autorités et agents forestiers du cadre politico-légal entourant le préservation ; la création de formats de dialogue inclusifs et de collaboration entre parties prenantes ;  ou encore la promotion d’une cacaoculture écologiquement et socialement durable. A l’avenir, les résultats de cette rencontre permettront de poursuivre la réflexion sur la pertinence, la faisabilité et les moyens nécessaires à la réalisation des pistes d’actions discutées.  Afin de clore le second objet du projet sur le processus de délimitation des territoires de villages (DTV), Interpeace et Indigo Côte d’Ivoire organiseront un autre forum national qui aura lieu le 31 mars à Abidjan.

YPS (Youth Peace and Security) in practice: (Self-)analysis and leadership reinforcement of young people in preventing political violence in Côte d'Ivoire

Financé par Fonds de l’ONU pour la consolidation de la paix,ce projet cherche à soutenir l’application pratique de l’Agenda des Nations Unies “Jeunes, paix et sécurité” (YPS), surtout en accompagnant et en “travaillant avec” les initiatives menées par des jeunes qui s’engagent dans des activités de consolidation de la paix dans leurs communautés. La jeunesse ivoirienne est habituellement vue comme un acteur clé de la violence politique, étant les victimes de l’instrumentalisation politique et de la mobilisation violente, notamment dans les contextes électoraux. Pour changer cette situation et souligner l’engagement et le potentiel de celle-ci pour la paix, le projet a reconnu et renforcé le rôle dirigeant des jeunes dans la prévention de la violence politique. Il n’a pas vu les jeunes femmes et hommes comme des “bénéficiaires” mais comme des participants actifs, responsables pour l’établissement et l’application des composantes clés du projet. Les groupes et associations de jeunes ciblés ont ensuite eux-mêmes mené une recherche action participative (RAP) sur le rôle de la jeunesse dans la violence politique avec le soutien d’Interpeace. Après les résultats, ils ont lancé de nouvelles actions de prévention de la violence politique, s’appuyant aussi sur les nouvelles compétences qu’ils acquerront durant le projet, au travers d’activités d’établissement des capacités; ils ont eu la possibilité de se porter candidat et de gérer des micro-subventions; ils ont démarré et appliqué des campagnes de communication. Le projet a renforcé les capacités de certains jeunes à rendre leurs initiatives sur la prévention de la violence et la cohésion sociale plus efficaces, davantage suivies d’impact, plus inclusives et plus durables.

Son approche a également cherché à faire avancer un dialogue constructif entre les jeunes et les plus âgés, les décideurs politiques et d’autres acteurs clés dans la consolidation de la paix. Un programme de mentorat a étendu la collaboration, l’échange d’expériences et le transfert de compétences et de capacités entre les jeunes ciblés et les adultes/personnes ressources de leurs communautés. Pour répondre davantage au problème des jeunes exclus des prises de décision sur la paix et la sécurité, le projet a établi des liens entre ceux-ci et acteurs clés et renforcé les efforts des jeunes sur la question “Jeunes, paix et sécurité”. Il a été appliqué par Interpeace et son partenaire local Indigo Côte d’Ivoire à Abobo et Youpougon, deux communes d’Abidjan célèbres pour leur vulnérabilité à la violence politique.

Lisez la nouvelle publication “Livre blanc sur l’application programmatique de l’agenda Jeunes, paix et sécurité” ici

Prévention de la violence politique et renforcement de la cohésion sociale par le dialogue et la collaboration citoyenne en Côte d’Ivoire (PREDIA)

Malgré la fin de la crise sociopolitique en 2011 et la croissance économique, la Côte d'Ivoire reste vulnérable à la violence politique. Interpeace, en partenariat avec Indigo Côte d'Ivoire et SeeD (Centre pour la Paix et le Développement Durable) mène depuis 2020 une initiative qui vise à prévenir la violence politique et à renforcer la gouvernance démocratique à travers la médiation collaborative et citoyenne avant, pendant et après les élections présidentielles de 2020. Dans un premier temps, le projet (PRECIS) s'est déroulé dans trois zones identifiées comme étant parmi les plus exposées aux violences politiques : le district d'Abidjan, le district des Montagnes et la vallée du Bandama. Le projet (PREDIA) s'est par la suite étendu à huit districts à travers le pays (Bas-Sassandra, Comoé, Gôh-Djiboua, Lacs, Yamoussoukro, Lagunes, Savanes, Zanzan) avant les élections locales de 2023 et les élections présidentielles de 2025.

Le projet visait tout d'abord à fournir une cartographie complète de la violence politique en Côte d'Ivoire et de ses principaux déclencheurs, en menant une recherche quantitative participative à grande échelle, en utilisant l'indice multidimensionnel de cohésion sociale et de réconciliation (SCORE), un outil développé par SeeD. Sur la base de ces résultats et des ressources existantes au niveau local, le projet a renforcé les capacités des principales parties prenantes locales afin de développer des actions de collaboration pour la prévention de la violence et la médiation des conflits. S’appuyant sur l’ensemble des initiatives existantes, des Cadres de Collaboration (CdC) ont été mis en place comme une ingénierie de gouvernance collaborative citoyenne des initiatives de prévention et de gestion des conflits au niveau local. Tous les résultats et les bonnes pratiques du projet ont été largement partagés avec les parties prenantes nationales et internationales concernées pendant et à la fin du projet, afin de contribuer aux efforts de prévention de la violence politique en Côte d'Ivoire.

Infrastructures de paix: Ouest ivoirien, se réinventer pour la paix

 

Pendant la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire, le District des Montagnes, à l’ouest du pays, était particulièrement affecté, faisant face à une absence flagrante d’autorité – tant étatique que coutumière. En réponse, des Comités de Paix menés par les communautés ont été mis en place principalement à l’initiative des ONGs afin de servir comme mécanisme alternatif de résolution des conflits et de prévention de violence. Avec la fin de la crise et la normalisation graduelle de la situation humanitaire, de nombreuses ONGs ont quitté le District des Montagnes alors que les autorités coutumières et étatiques y retournaient. Tandis qu’un nombre significatif des Comités de Paix n’a pas su s’adapter au nouveau contexte et a par conséquent cessé d’exister, d’autres ont réussi à se réinventer en modifiant leurs mandat et approche afin de rester pertinent et faire face aux nouveaux défis.

Le film présente les éléments clés de succès qui contribuent à la pérennisation des actions des Comités de Paix dans le District des Montagnes en Côte d’Ivoire : 1) Les Comités de Paix mettent désormais le focus sur une implication plus forte des communautés et notamment des femmes ainsi que sur des dialogues individuels à la place des campagnes de sensibilisation de masse. Cette approche aide à identifier de manière plus efficace les préoccupations des membres de la communauté et à anticiper et prévenir des sources potentielles de violence en réunissant tous les acteurs – y inclus les auteurs de violence – autour de la table. 2) Les Comités de Paix sont devenu un soutien effectif des autorités locales et représentent ainsi des acteurs essentiels de l’infrastructure locale pour la paix. 3) La force motrice derrière les Comités de Paix est l’engagement citoyen de la part des membres de la communauté dont la motivation personnelle est de contribuer à la paix au niveau local.


During the military-political crisis in Côte d’Ivoire, the Mountain District in the West of the country was particularly affected and faced a striking lack of State and traditional authorities. As a response, community-led peace committees were put into place mainly by NGOs in order to provide for an alternative dispute resolution and violence prevention mechanism. With end of the crisis and a gradual normalisation of the humanitarian situation, many NGOs left, whereas State and traditional authorities moved back to the Mountain District. While a significant number of these peace committees did not manage to adapt to the evolving context and thus ceased to exist, some peace committees managed to reinvent their mandate and their approach in order to remain relevant and to face new challenges.

This film presents key success factors that contribute to the sustainability of the peace committees’ actions in the Mountain District in Western Côte d’Ivoire: 1) the local peace committees now focus on a stronger involvement  of the community, especially of women, as well as on an individual dialogue rather than mass awareness raising campaigns. This approach helps more effectively to detect people’s preoccupations at an early stage and to anticipate and prevent potential sources of conflict by gathering all actors - including perpetrators of violence - around the table; 2) local peace committees have become an effective support for local authorities in their daily work, which makes them an essential actor for the local peace architecture; 3) the driving force behind the sustainable actions of the committees is the personal commitment of its members whose personal and sole motivation is to contribute to peace in their community.