La Côte d’Ivoire est entrée en 2020 dans un nouveau cycle électoral marqué par des confrontations intra- et intercommunautaires. Alors que les trois quarts de la population ont moins de 35 ans, les jeunes sont souvent stigmatisés et perçus comme étant responsables ou associés à de la violence politique. Pour changer cette vision et contribuer à la mise en œuvre de l’agenda Jeunes, paix et sécurité, Interpeace et son partenaire Indigo Côte d’Ivoire ont lancé un projet visant à améliorer leur participation en tant qu’acteurs et leaders dans la consolidation de la paix et la prévention des violences politiques. Le Livre blanc rassemblant les résultats et bonnes pratiques tirées de cette action a été présenté le 7 septembre 2021 à Abidjan.
En période électorale, un marketing politique polarisant et manipulateur des identités est fréquemment employé par les acteurs politiques ivoiriens de tous bords pour mobiliser leurs électeurs. Cela génère des tensions entre groupes ethniques et religieux, et entretient un climat de défiance et de contestation des résultats électoraux qui peuvent dégénérer en violences intercommunautaires. En 2020, près de 80 personnes ont ainsi trouvé la mort à travers le pays dans des affrontements liés aux élections présidentielles. La participation des jeunes à ces conflits est souvent montrée du doigt par les acteurs locaux, nationaux et internationaux, qui les désignent comme des acteurs « à risque » vulnérables et facilement manipulables. Ces discours ont pour effet de stigmatiser et marginaliser la majorité silencieuse des jeunes hommes et femmes qui restent en dehors des processus de violence, et de déprécier les efforts de celles et ceux qui s’engagent activement au quotidien pour la paix et la cohésion sociale.
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Crédits: Interpeace
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C’est également le constat fait par la résolution historique 2250 du Conseil de sécurité des Nations Unies en 2015, qui appelait tous les acteurs concernés à augmenter la représentation et la participation inclusive, effective et réelle des jeunes dans les efforts de consolidation de la paix. C’est dans cet esprit qu’a été conçu le projet « YPS en pratique : auto-analyse et renforcement du leadership des jeunes dans la prévention de la violence politique en Côte d’Ivoire », une action de consolidation de la paix dont les jeunes n’étaient pas les bénéficiaires mais les protagonistes à part entière. En choisissant de sélectionner et d’accompagner des initiatives de jeunes agissant déjà pour la paix et la cohésion sociale, Interpeace et Indigo Côte d’Ivoire ont fait le pari de miser sur la résilience et l’engagement citoyen de ces personnes dans deux quartiers réputés sensibles d’Abidjan, Yopougon et Abobo.
« En Côte d’Ivoire, plusieurs associations de jeunes et de femmes œuvrent activement pour la promotion de la cohésion sociale à travers des initiatives. Cependant, l’implication de cette jeunesse dans les violences électorales et les conflits intercommunautaires, ainsi que la jeunesse radicalisée perpétue une image négative des jeunes », dit Bakary Sidibe, conseiller technique du ministre de la Promotion de la jeunesse, de l'insertion professionnelle et du service civique. « Pour changer ce paradigme et impliquer les jeunes dans les actions de paix et de sécurité, il apparaît nécessaire de guider cette jeunesse et renforcer ses capacités à la mise en œuvre de projets de consolidation de la paix ».
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Crédits: Interpeace
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Dans le cadre du projet « YPS en pratique », une quarantaine de jeunes leaders œuvrant déjà pour la paix et la cohésion sociale dans leurs quartiers ont été sélectionnés. Après des séances de renforcement de capacités en analyse de conflit et gestion de projets, les jeunes hommes et femmes accompagnés par Indigo Côte d’Ivoire et Interpeace ont conçu et mis en œuvre leurs propres projets de consolidation de la paix et de prévention de la violence électorale à Abobo et Yopougon. Les résultats et bonnes pratiques à répliquer pour mettre les jeunes « au volant » des actions de paix et sécurité ont été rassemblés dans un Livre blanc. Celui-ci a été présenté le 7 septembre à Abidjan devant des représentants de ministères, municipalités, agences des Nations Unies, ambassades, ONG nationales et internationales et autres partenaires techniques et financiers.
En accompagnant ces jeunes, le projet a testé des moyens et outils pour améliorer leur esprit d’analyse, leur stratégie, leur impact et leur collaboration. Lors de l’événement, les participants ont partagé leurs impressions sur les résultats du projet.
"Avant l'arrivée d’Indigo, j’étais membre d'une ONG mais je ne me suis jamais dit que j’allais m’engager devant des gens ou être responsable d’un mouvement. Aujourd’hui, avec toutes les formations, je suis la coordonnatrice d’une plateforme de 40 initiatives au niveau de Yopougon", a dit Kiteni, de l’organisation de l’association des jeunes Tchêlê Woyê.
Ils ont également présenté le travail qu’ils menaient dans leurs communautés. Des jeunes femmes ont formé des ambassadeurs de paix, dont la mission était de sensibiliser leur entourage à la bonne entente entre communautés et d’alerter en cas d’incidents pour permettre la prévention des violences par le dialogue ou la mobilisation des autorités. Une autre initiative a formé des jeunes à la vérification des informations circulant sur les réseaux sociaux pour endiguer le phénomène des rumeurs et fausses nouvelles qui concourent à un climat de tensions et de violence. D’autres ont travaillé à rapprocher des personnes issues de secteurs, religions ou ethnies différents qui ne se fréquentaient pas ou étaient en conflit, à travers des dialogues et des activités d’intérêt général.
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Crédits: Interpeace
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« Notre projet a associé toutes les parties prenantes [à un conflit opposant deux quartiers depuis la dernière crise socio-politique]. On a trouvé des solutions pour metre en place un climat paisible. Les populations ont donné elles-mêmes les solutions. Nous avons organsié un match de foot avec deux équipes mixtes des deux quartiers. Les équipes étaient mélangées et il n’y a pas eu de palabre [dispute] à la fin. » a dit Mariama, de l’initiative Jeunesse Unie pour le Développement.
Tous ont ouvert des espaces de discussion permettant aux personnes consultées de parler de leurs perceptions de la paix et de la sécurité dans le quartier, des traumatismes subis pendant les dernières crises, de l’état des relations avec les groupes opposés. Ces espaces de discussion ont souvent permis de réunir et créer un dialogue entre des groupes de personnes qui ne se parlaient jamais bien qu’habitant au même endroit. En adressant les divisions sociopolitiques, religieuses et ethniques dans leurs quartiers, les jeunes leaders ont également participé à la prévention des violence électorales qui pourraient survenir lors de prochaines échéances électorales.
"Lors du phénomènre de circulation des fausses nouvelles, au lieu de bruler les marchandises des Haoussas, [les participants de notre projet] les ont protégés des agressions dans le quartier. " raconte Kiteni, de l’organisation de l’association des jeunes Tchêlê Woyê, en référence à un épisode de violence intercommunautaire survenu le 5 mai à Abobo et Yopougon après la diffusion d’une fausse vidéo. Cette dernière prétendait montrer des Nigériens s’attaquant à leurs voisins Ivoiriens et incitait les habitants d’Abidjan à se venger.
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Crédits: Interpeace
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Grâce au projet YPS, les initiatives ont pu prendre conscience du rôle qu’elles avaient à jouer pour la paix, renforcer leurs capacités pour concevoir et mettre en œuvres des actions stratégiques et inclusives, et les communiquer à des décideurs locaux, nationaux et internationaux. A travers toutes ces actions, ces jeunes leaders ont montré que la jeunesse a la capacité d’agir pour la paix et la sécurité.
Citant l’ancien président américain John F. Kennedy, Jean-Luc, membre de l’association Young Ivoirian Promoters of English a ainsi conclu la présentation des résultats du projet en disant : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ».
En Côte d’Ivoire comme ailleurs, les jeunes ont la volonté et le potentiel pour contribuer à la paix et stabilité dans leur pays. Il revient au grand public, aux acteurs nationaux et internationaux de reconnaître leur rôle important dans la construction de la paix durable et de leur donner des outils de participation dans la prise de décisions politiques et sécuritaires.