Ituri : Les autorités coutumières prennent leurs responsabilités pour pacifier leurs communautés
Radio communautaire Tuendeleye de Gety. Journal du matin. C’est encore le message du secrétaire administratif de la chefferie des Walendu-Bindi qui est dans les titres ce 16 août dernier. Martin MATATA KAWA appelle les communautés à la cohésion sociale, après des affrontements ayant opposé deux villages du groupement zadu à plus de 60 km au sud de la ville de Bunia, en province de l’Ituri. Selon des sources concordantes, cette situation a coûté la vie à un chef de village et 91 maisons ont été incendiées. Le lendemain déjà, une délégation composée des notables de la zone s’active pour calmer la tension, à l’initiative du chef de chefferie. Fidèle Mongalyema croit que la stratégie qui cherche à mettre les parties en conflit autour d’une même table reste la seule alternative. Il affirme avoir tiré cette expérience des retombées des formations reçues dans les activités du projet soutien à la médiation pour la résilience et la paix en Ituri et au Grand Nord-Kivu, financé par l’Union européenne. « J’avais du mal à mobiliser les notables des différents villages après des échauffourées opposant certaines entités. Aujourd’hui, nous avons mis en place une commission pour aller échanger directement avec les personnes concernées, pour une médiation. Des acquis que j’ai tirés des séances de renforcement de capacité reçues de Pole Institute sur la gestion et la prévention de conflits », témoigne-t-il.
Comme lui, certains de ses collaborateurs se sont déjà approprié l’approche du projet pour rétablir la paix entre les membres des communautés ayant des différends. Patrick Bandru kazi est le chef de village TSEDE. « Je rencontrais des difficultés pour trancher certains jugements. J’étais parfois dans l’obligation de transférer certains dossiers à la police. Aujourd’hui, grâce à ce projet, je suis en mesure de m’assumer. Il m’arrive à ce jour de concilier cinq cas de conflits par semaine », se réjouit-il.
En sillonnant le centre de Gety, les témoignages des habitants démontrent en partie le niveau d’implication des autorités, notamment pour mettre fin aux conflits entre agriculteurs et éleveurs. Ces tensions se soldaient généralement par des violences sanglantes. AWIRA VETSI est une habitante de la chefferie de Walendu-Bindi. Elle parle de l’historique de cet enjeu majeur que le consortium médiation composé d’Interpeace, Pole Institute, Action pour la paix et la concorde (APC) et l’Université de New York a pu lister en termes de priorités pour pacifier la région. « Avant l’organisation des ateliers portant sur les techniques de médiation, les bêtes pouvaient dévaster des champs entiers. En représailles, les propriétaires de certaines concessions pouvaient s’en prendre à des bêtes jusqu’à les décapiter. Et dans l’incapacité de réconcilier certains habitants, le service de l’Etat pouvait infliger des amendes exorbitantes aux parties », dit-elle.
« Ce qui occasionnait la résurgence de la haine entre les communautés », explique-t-elle. Depuis la tenue d’une série d’ateliers de renforcement des capacités sur la médiation organisée par Pole Institute, il y a plus d’une année, les chefs coutumiers formés prennent des initiatives pour la résolution pacifique des conflits. ODUDHU NZILA Christophe, membre d’une structure de taximan-moto, confirme que certaines autorités qui ont été accompagnées viennent les sensibiliser pour la résolution pacifique des conflits de leadership qui surgissent pour la plupart entre certaines associations des motards. « Les taximen peuvent se bagarrer mais ils se réunissent pour résoudre leur différends grâce aux différentes séances de sensibilisation menées par les chefs coutumiers », précise-t-il. Et pour cause, « le chef d’un parking donné par exemple ne digère pas bien le fait que celui d’un autre point de stationnement des motos arrête son taximan et vice-versa ».
La chefferie de Walendu-Bindi a connu un regain d’insécurité depuis 2006 avec l’arrivée massive des déplacés des entités environnantes. Ces derniers étaient venus avec du bétail avant d’occuper certains espaces réservés à l’agriculture, occasionnant ainsi des atrocités à la suite de la dévastation des cultures par des bêtes.
Depuis seulement deux ans environ, une accalmie est observée grâce à l’implication de certaines autorités coutumières, soutenues par quelques organisations humanitaires, fait savoir AWIRA VETSI, membre d’une structure féminine de Gety. Elle cite par exemple l’ONG locale Appui à la communication interculturelle et à l’auto-promotion rurale (ACIAR) qui a lancé une campagne de sensibilisation sur la cohabitation pacifique avant la mise en place de mécanismes de paix par Pole Institute, d’une part, et Alerte internationale, d’autre part, dans le territoire d’Irumu.
Ituri : Confisquées par des miliciens, des entités sont rétablies aux chefs coutumiers à travers des consultations
Il peut désormais se faire entourer des membres de son comité de sécurité. Lui, c’est Jean Gaston Herabo, le chef de chefferie d’Andisoma, dans le territoire d’Irumu en province de l’Ituri. En pleine réunion, ce jeudi 8 juin, il est accompagné de responsables de différents services assis à ses côtés pour statuer sur la situation générale de son entité. « Nous pouvons désormais jouir de notre pouvoir. Actuellement je peux me rendre à Gety comme dans d’autres villages sous ma juridiction », se réjouit-il. Pourtant, il y a environ trois mois seulement, toute cette zone était sous l’emprise de la milice du Front patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC). Pendant plus de cinq ans d’occupation par cette milice, l’autorité de l’Etat était bafouée. Ici, toutes les compétences réservées aux chefs coutumiers étaient entre les mains des leaders de ce groupe armé. Ceux-ci « pouvaient organiser des jugements et même emprisonner les coupables avant de leur infliger des amendes en lieu et place des autorités territoriales », ont fait savoir plusieurs témoins. Cette situation a affecté l’accessibilité et la cohabitation entre les communautés des plusieurs entités du territoire d’Irumu.
En février dernier, le projet soutien à la médiation et la résilience pour la paix, financé par l’Union européenne, s’est lancé dans une bataille pour faciliter la restauration de l’autorité de l’Etat. A travers Pole Institute, une série de consultations avec les groupes armés a été amorcée en appui au Programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaires (P-DDRCs). Début juin, pour la première fois, le groupe armé FPIC a accepté de rencontrer l’administrateur militaire du territoire d’Irumu, dans le cadre d’une activité d’accompagnement du processus de médiation tenu à Nyakunde dans la même région. « C’est pour la première fois de vous rencontrer après votre retranchement dans les maquis. Je suis venu prendre contact avec les nouveaux responsables du groupe armé FPIC/CHAMBRE NOIRE SANDUKU. Je voulais aussi vous écouter sur les mobiles qui vous ont poussés à destituer votre ancien dirigeant signataire de l’acte d’engagement de cessation des hostilités. C’est également une occasion de vous sensibiliser à adhérer au processus de PDDRCS », a expliqué le colonel Siro Nsimba.
« Cette activité revêt une grande importance, c’est pourquoi j’ai tenu à ce que tous les chefs des chefferies BIRA et les grands notables soient présents dans ces assises », a-t-il ajouté.
En effet, la présence de plusieurs miliciens dans cette région a mis à mal l’autorité de l’Etat, mais également alimenté le conflit des limites administratives entre les Entités territoriales décentralisées (ETD).
A Kesenyi, dans le secteur de Bahema sud par exemple, il était difficile voire impossible qu’un chef d’une entité se déplace dans une autre. « La chefferie de Walendu-Bindi et le secteur de Bahema Sud étaient en conflit foncier et des limites administratives depuis plusieurs années. Je ne pouvais pas quitter ici pour me rendre à Gety. Seules les consultations menées par Pole Institute m’ont permis d’avoir accès à cette entité », témoigne le chef de secteur de Bahema-Sud, Kataloho Takumara. « Nos villages ont été envahis par la communauté de Walendu Bindi sous la bénédiction de la milice Front de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) ».
Pour y faire face, le consortium médiation constitué des ONG Interpeace, Pole Institute, Action pour la paix et la concorde (APC) et de l’Université de New York a organisé une activité d’identification et de validation des enjeux conflictuels. Ceci a été une occasion pour donner l’opportunité au processus de médiation entre les leaders des différentes communautés en conflits.
« Nous sommes tellement contents que la fréquentation entre nos deux communautés commence à revenir au beau fixe. Nous remercions Pole Institute d’avoir organisé cet atelier. Celui-ci a permis d’accueillir nos frères de Walendu Bindi ainsi que leurs chefs ici à Kasenyi. Nous voulons la paix et ensemble nous pouvons y parvenir », a souligné l’un des participants, avant de souhaiter qu’une activité du genre soit également organisée à Gety. « Cela sera une bonne occasion pour nous, de Bahema-Sud, pour aller y participer », a-t-il renchéri.
Pour l’instant, le projet se poursuit avec les processus de médiation pour pérenniser ses actions et faciliter la restauration définitive de l’autorité de l’Etat afin de donner une chance à la cohabitation pacifique dans cette partie de la province de l’Ituri.
Ituri : Jadis en conflit, des communautés déposent peu à peu la hache de la guerre grâce à la médiation
Komanda fait partie des entités du territoire d’Irumu, en province de l’Ituri, où des scènes de violences intercommunautaires connaissent depuis peu une certaine accalmie. En cette matinée du 9 juin, l’ambiance observée dans un centre commercial symbolise le retour de la confiance entre les membres des différentes communautés. Dieumerci Kabibe est un acteur du comité de gestion et de prévention de conflit mis en place par Pole Institute, il y a plus d’une année dans cette région. Il fait visiter quelques boutiques appartenant à la communauté NANDE/YIRA. « Avant la tenue du processus de médiation, il était difficile à un membre de la communauté LESE ou HEMA de fréquenter toute maison de commerce appartenant aux NANDE/YIRA » témoigne-t-il. Dans une petite entreprise de transfert d’argent, un jeune tente d’expliquer les raisons. « Généralement la tension entre nous les NANDE/YIRA et les autres communautés était due aux tueries causées par l’activisme des groupes armés à caractère identitaire et les conflits des limites de terre » affirme-t-il. Actuellement, la confiance tente de se renouer grâce à l’implication des autorités depuis la mise en œuvre du projet « Soutien à la médiation et la résilience pour la paix en Ituri et au Grand Nord-Kivu », fait remarquer le coordonnateur territorial de la société civile d’Irumu. Gatabo Gili pense que c’est la seule approche qui permette de mettre fin à la haine tribale. « Je suis en mission ici pour faire le suivi des recommandations des assises tenues lundi 4 juin. Grâce aux activités du projet de médiation, les autorités ont réuni toutes les communautés après les altercations signalées il y a quelques jours entre les HEMA et le BIRA à une dizaine de km de Komanda ». « Un groupe de miliciens de la Force patriotique et intégrationniste du Congo (FPIC) avait fait irruption alors que le chef de groupement était en réunion avec les membres de la communauté HEMA à Basunu., Cette présence des miliciens de l’obédience Bira a été jugée comme une provocation par les HEMA. Il s’en est suivi des affrontements faisant une dizaine de morts et un déplacement de population entre les deux communautés ». Pour rétablir la paix, le chef de la chefferie des Basili, par l’entremise de l’administrateur du territoire, a convoqué de nouveau toutes les communautés à Komanda. « Ma famille et moi avions fui ce village suite à la menace HEMA. C’est grâce à cette réunion que j’ai eu le courage d’y retourner », fait savoir ce membre de la communauté BIRA, victime de ces atrocités.
En territoire d’Irumu, les membres des différentes communautés se côtoyaient et se fréquentaient mutuellement. Ils pouvaient utiliser les mêmes infrastructures sociales telles que les marchés, les hôpitaux, les écoles, les églises, etc. Mais avec l’avènement du groupe armé FPIC vers fin 2019, une haine tribale s’est installée. Cette situation faisait suite à la restriction des mouvements pour certaines communautés instaurées par cette milice. Financé par l’Union européenne, ce projet a lancé une série de consultations non seulement avec les communautés en conflits mais également avec certains leaders des groupes armés.
En date du 24 au 25 mars 2023 à Nyakunde par exemple, les leaders du groupe armé FPIC ont signé et lu un communiqué autorisant les autres membres des communautés belligérantes de circuler librement dans toutes les entités sous leur contrôle. Ce dispositif a été décidé dans le cadre d’une activité d’accompagnement du processus de médiation entre les groupes armés et les autorités locales sous la facilitation du Programme de désarmement, démobilisation et relèvement communautaires (P-DDRCs). Celle-ci a eu lieu à travers l’appui du consortium des ONG Interpeace, Pole institute, Action pour la paix et la concorde (APC) et de l’Université de New York.
Toutes les barrières érigées par les miliciens sur la Route nationale numéro 27, axe Bunia-Komanda, ont été levées. Lors de la lecture de ce communiqué, le porte-parole de cette milice a déclaré : « Toutes les communautés, notamment les HEMA, doivent se sentir libres et circuler partout où elles veulent sans aucune inquiétude. Notre mouvement s’engage à assurer la sécurité de chaque individu se trouvant dans les entités qu’il contrôle. Tous les éléments de FPIC CHAMBRE NOIRE SANDUKU qui iront à l’encontre de ce communiqué seront sévèrement punis ».
Aujourd’hui, ces consultations avec ce groupe armé FPIC ont permis aux membres des communautés de se côtoyer, surtout ceux de la communauté HEMA, de fréquenter les marchés de Marabo, de même que l’hôpital général de référence de Nyankunde pour se faire soigner. Une amélioration saluée par le médecin chef de zone de santé de Nyakunde. Dr Désiré Duabo confirme à ce jour une fréquentation estimée à 10% de la communauté HEMA, notamment ses membres généralement venus de Djugu qui avaient complètement arrêté de se faire soigner dans cet hôpital. Pour lui, en cas de poursuite de la libre circulation dans les différentes entités, l’accueil des malades issus de ces communautés craignant pour leurs sécurité devrait s’accroître. « Des miliciens pouvaient faire descendre les passagers du véhicule et vérifier les identités des uns et des autres. Si l’on découvre un membre d’une communauté autre que celle qui est de cette milice à bord d’une voiture, on assistait à une menace de mort », reconnaît un jeune leader BIRA et coordonnateur d’une OING locale, Etienne Mweke, affirmant que le processus de médiation mis en place par ce projet a fait baisser cette tension.
Les femmes formulent des recommandations et participent à la prise de décision à l’issue des groupes de discussion
Les femmes du nord à travers notamment l’association pour le progrès et la défense des droits des femmes collaborent étroitement avec les Force de Défense et de Sécurité (FDS) et participent à la prise de décision avec les autorités politico-militaires. Une initiative soutenue par IMRAP et son partenaire Interpeace.
Les groupes de discussion, une opportunité de visibilité pour les services de formation professionnelle
Les groupes de discussion initiées dans le cadre du projet ont servi de cadre pour donner plus de visibilité aux différents services de la formation professionnelle. Ces services ont constitué de levier pour soutenir le processus du DDR en termes de formation et d’insertion professionnelle.
Les activités socioéducatives, une alternative contre l’enrôlement des jeunes et l’extrémisme violent
Avec la crise multidimensionnelle qui secoue le Mali tout entier et singulièrement le nord à Tombouctou, les jeunes et les femmes étaient les plus vulnérables. Singulièrement, les jeunes faisaient l’objet d’intimidation et d’enrôlement par les djihadistes, car toutes les écoles étaient fermées. A l’issu des assises communautaires, l’association pour l’autonomisation de la femme et la paix avec l’appui d’IMRAP et son partenaire Interpeace a initié un concours artistique interscolaire avec comme thème central « la prévention contre l’extrémisme violent en milieu scolaire ». Les résultats engrangés sont salutaires.