Dialogue intergénérationnel: une approche critique pour favoriser la réconciliation et la résilience

Les épisodes de conflits violents et d’instabilité politique ont de graves conséquences sur le tissu social des communautés. Ils alimentent souvent la méfiance générationnelle et mettent en péril la cohésion et l’harmonie sociales. Il paraît peu probable qu’une paix durable soit atteinte si les initiatives de consolidation de la paix ne parviennent pas à combler les écarts générationnels et à favoriser la compréhension et la collaboration entre les membres de la communauté appartenant à différents groupes d’âge. Le dialogue intergénérationnel reste au cœur de l’approche d’Interpeace pour traiter les héritages des conflits, reconstruire la confiance et favoriser une vision commune pour un avenir pacifique et durable. Dans les pays d’Afrique subsaharienne tels que le Rwanda, le Burundi et la Somalie, qui continuent de subir les conséquences des violences passées, y compris le génocide, l’institution collabore avec des organisations locales pour l’établir comme moyen de guérison des traumatismes et de faciliter la réconciliation et la résilience.

La guérison des traumatismes pour renforcer la résilience familiale et communautaire au Rwanda

La transmission intergénérationnelle des traumatismes reste un défi majeur au Rwanda, plus de trois décennies après le génocide contre les Tutsi. Des études ont révélé des niveaux élevés d’héritages des générations plus âgées aux jeunes, en particulier ceux nés après celui-ci.

D’une part, des recherches menées par Interpeace (2020 & 2023) ont révélé que les parents survivants du génocide transmettent aux jeunes générations des blessures psychologiques non cicatrisées, telles que le trouble de stress post-traumatique (TSPT), la colère, la dépression et l’anxiété. Ces conditions nuisent à la capacité parentale et sont aggravées par une incapacité à discuter ouvertement des expériences traumatisantes du passé, ce qui conduit à la détérioration des relations familiales. D’autre part, les familles qui ont été impliquées dans le génocide évitent souvent de discuter des actions passées avec leurs enfants, ce qui provoque chez ces derniers un ressentiment ou même une haine envers leurs parents.

La transmission continue des héritages du génocide a exposé certains jeunes à des comportements à haut risque, pouvant nuire à leur engagement dans le développement socio-économique et limiter la résilience familiale et communautaire.

Interpeace collabore avec le gouvernement rwandais et d’autres partenaires pour renforcer la résilience des individus, des familles et des communautés grâce à une intervention psychosociale de groupe connue sous le nom de Thérapie multifamiliale ou Espaces de guérison multifamiliaux qui met particulierement en avant le dialogue intergénérationnel. Cette approche a été mise en œuvre pour traiter les traumatismes intergénérationnels et améliorer la communication et la cohésion familiales. Les Espaces de guérison multifamiliaux établis au sein de la communauté rassemblent des parents de familles de survivants du génocide, de familles de bourreaux, ainsi que d’autres catégories de Rwandais et leurs descendants, pour engager un dialogue ouvert sur les blessures invisibles et les héritages historiques. Ils dotent les parents et les enfants de compétences socio-émotionnelles pour gérer leurs émotions et les parents sont particulièrement formés aux pratiques parentales positives.

Les espaces de guérison ont abouti à des effets positifs considérables à travers divers aspects de la dynamique familiale : de l’amélioration de la communication et de la résolution des conflits au renforcement de l’égalité des sexes, des pratiques parentales et de la cohésion sociale. Les familles sont devenues plus ouvertes et collaboratives face aux défis. Un parent a fait remarquer : “ Nous avons appris à aborder nos problèmes calmement sans les escalader en disputes. Cela nous a permis de nous connecter à un niveau plus profond”. Un autre a partagé : “ Avant, nous nous criions dessus, mais maintenant nous privilégions l’écoute active à la confrontation”.

En ce qui concerne la rupture du silence autour des traumatismes et des événements historiques, de nombreux parents se sentent désormais plus à l’aise à discuter de sujets sensibles, tels que les expériences traumatisantes avec leurs enfants. Un jeune participant de la province du Nord au Rwanda a partagé : “ Avant d’assister aux espaces, ma mère ne voulait pas que nous l’appelions maman, surtout pendant la période de commémoration du génocide. Elle nous avait demandé d’utiliser un surnom parce que le mot « maman » lui rappelait sa propre mère, qui a été tuée pendant le génocide alors qu’elle était encore jeune. Cela la mettait en colère, la rendait triste ou traumatisée chaque fois qu’elle l’entendrait”.

Grâce à des dialogues intergénérationnels structurés, les parents sont devenus plus capables d’expliquer les expériences historiques de manière objective et significative. En même temps, les jeunes ont acquis la confiance et les compétences nécessaires pour exprimer leurs pensées sur la façon dont ces événements ont façonné leur vie. Ces dialogues ont aidé les familles à briser les barrières de communication qui avaient auparavant entravé des discussions productives, permettant un engagement plus significatif sur les questions familiales et communautaires.

Dans une société rwandaise où les liens familiaux façonnent encore la vie quotidienne, les dialogues intergénérationnels se sont révélés puissants pour surmonter les obstacles de longue date liés aux blessures invisibles, à la méfiance, aux préjugés et à la peur d’autrui. Ces conversations aident à reconstruire des liens sociaux endommagés par les conflits passés et l’héritage du génocide.

Guérir ensemble : le pouvoir du dialogue intergénérationnel dans les efforts de réconciliation et de résilience au Burundi

Le Burundi continue de subir les conséquences qui découlent des multiples cycles de violence passés et d’instabilité politique, souvent marqués par des massacres interethniques. Cette situation est exacerbée par les défis sociaux et économiques persistants dans un pays qui lutte pour reconstruire son économie et son tissu social. Les conflits passés et les défis actuels ont érodé la confiance entre les membres de la communauté, non seulement à travers les groupes ethniques mais aussi à travers les lignes générationnelles. Les jeunes de divers groupes ethniques ont du mal à se faire confiance en raison des héritages ethniques et des disparités socio-économiques et ils ont également du mal à faire confiance à leurs aînés en raison de leur supposée implication dans un passé tragique. Le niveau relativement faible d’inclusion des jeunes dans les processus de prise de décision, en particulier dans les initiatives de guérison et de réconciliation ainsi que dans les moyens de subsistance, aggrave la situation. Cette situation affaiblit les dynamiques familiales et la cohésion sociale, ce qui perpétue le traumatisme intergénérationnel et peut inciter à la haine parmi les jeunes générations.

Grâce à ses initiatives complémentaires, Synergies pour la paix III et Dukire Twubake, Interpeace a tiré parti des dialogues intergénérationnels pour favoriser la guérison, la compréhension et la reconstruction communautaire. Ceux-ci ont été utilisés comme moyen de renforcement de la cohésion sociale et du développement économique.

Ils ont suivi un processus de psychothérapie communautaire qui a permis aux participants de partager leurs histoires traumatisantes, d’aborder des émotions négatives et de trouver la guérison et le réconfort, ouvrant la voie à des dialogues intergénérationnels francs et constructifs. Les personnes de tous âges pouvaient partager ouvertement leurs expériences, défiant ainsi les stéréotypes nuisibles sur d’autres groupes ethniques et nourrissant l’empathie, la confiance et l’appréciation collective des perspectives diverses.

En des espaces pour un dialogue honnête et une écoute attentive, cette approche permet aux Burundais de traiter leurs traumatismes, d’explorer de nouvelles voies de progrès et d’acquérir une compréhension approfondie de leur propre vie et celle des autres. Les dialogues ont non seulement favorisé la réconciliation, mais ont également offert aux participants un exutoire thérapeutique pour renforcer la régulation émotionnelle et la résilience.

Christian, un jeune , a expliqué : “Le dialogue nous permet de nous décharger, car c’est en parlant de ce passé difficile et parfois en le banalisant que nous pouvons enfin vivre dans le présent plus facilement“. Un autre jeune participant de la commune de Ruhororo a ajouté : “Je suis très impressionné. Je ne savais pas que la commune de Ruhororo avait autant de personnes qui risquaient leur vie pour sauver des voisins pendant la crise de 1993. C’est un exemple puissant pour ceux d’entre nous qui n’ont pas vécu ces événements. Personnellement, je suis déterminé à faire campagne pour la paix et la justice, même en période de conflit”.

Ciblant des personnes d’origines ethniques différentes, les dialogues ont également contribué à contrer les interprétations partisanes ou erronées du passé douloureux, conduisant à des communautés plus cohésives.  

Ces efforts sont complétés par des activités supplémentaires. En utilisant des outils de renforcement des capacités et de la confiance, les femmes, les jeunes et les communautés touchées par un traumatisme sont habilités à défendre leurs besoins, mobiliser les autres et diriger des initiatives qui renforcent la cohésion sociale et politique et améliorent les moyens de subsistance. Cette approche encourage également la communication ouverte, l’auto-réflexion et l’exploration collaborative de voies alternatives, favorisant un sentiment d’unité et de collaboration.

Combler le passé: un outil pour pomouvoir la justice transitionnelle en Somalie

La Somalie a fait des progrès notables dans la consolidation de la paix et l’édification de l’État ces dernières années. Cependant, les relations intercommunautaires, en particulier dans les régions frontalières, restent fragiles, en raison de griefs historiques, de la méfiance et des tensions non résolues liées à un partage du pouvoir politique contesté. Ces défis sont encore exacerbés par la rareté des ressources naturelles et les déplacements de population induits par le changement climatique, qui tous aggravent la concurrence pour les ressources et contribuent à des cycles récurrents d’instabilité et de violence.

Ces enjeux complexes et interconnectés impliquent un besoin urgent d’initiatives qui favorisent une compréhension collective du passé et la guérison pour prévenir la violence future, reconstruire la confiance entre les communautés et au sein des institutions, ainsi que faire progresser le dialogue pour répondre à la méfiance générationnelle, qui est essentiel pour l’unité nationale, une paix durable et la stabilité politique. 

Interpeace a lancé le Programme de justice transitionnelle, une initiative visant à renforcer la cohésion sociale et la gouvernance inclusive grâce à des approches de la justice ancrées dans les réalités contextuelles somaliennes. Celui-ci contribue à remédier aux violations et inégalités passées tout en soutenant les voies de transformation socio-économique. En outre, il facilite une compréhension plus approfondie du processus de justice transitionnelle le mieux adapté à la Somalie en impliquant activement les jeunes, les femmes et les plus agés. Grâce à cette approche inclusive, le programme a permis de combler les lacunes du dialogue intergénérationnel, en contribuant à favoriser une appréhension commune de ce que signifie la justice transitionnelle, pourquoi elle est importante dans le contexte de la Somalie et comment aller de l’avant. 

Dans le cadre de cette initiative, des dialogues intergénérationnels ont été organisés à Galkayo, Beledweyn et Dusamareeb, les régions de la Somalie profondément touchées par le conflit et l’instabilité, aggravés par la variabilité du changement climatique. Ils ont été cruciaux pour répondre aux griefs historiques et favoriser une paix durable. Ils ont établi une plateforme pour des discussions ouvertes entre différentes générations, y compris les chefs traditionnels et les parties prenantes locales. Ces sessions ont approfondi l’entendement collectif des dynamiques complexes derrière les griefs passés et ont permis aux membres de la communauté d’apprendre de techniques pour mieux gérer le bilan psychologique de la violence, y compris le traumatisme, l’anxiété et la dépression.

La justice transitionnelle a peu de chances de réussir si les blessures invisibles restent non traitées. Ces dialogues ont renforcé l’opinion selon laquelle une justice et une réconciliation significatives en Somalie nécessitent d’intégrer la santé mentale et le soutien psychosocial (MHPSS) dans ce processus.

Des témoignages personnels d’aînés, de femmes et de jeunes ont mis en évidence le besoin urgent de programmes complets de santé mentale et prise en charge psychosocial comme partie intégrante du système de justice transitionnelle somalien. L’une des recommandations clés était de développer des programmes de formation pour les professionnels de la santé et les prestataires de services opérant dans les régions post-conflit, étant donné leur rôle vital dans l’identification et le traitement des problèmes de santé mentale à l’échelle communautaire.

Une praticienne de la santé a noté: “ Nous ne pouvons pas parvenir à la justice transitionnelle si les gens souffrent encore de problèmes de santé mentale. Cela limite leur capacité à se pardonner et à renforcer leur résilience. De plus, dans nos efforts pour fournir des soins, mes collègues et moi ne sommes pas à l’abri des traumatismes secondaires causés par le fait d’être témoins de la profonde souffrance dans nos communautés. C’est pourquoi les programmes de formation sont essentiels pour nous aider à faire face à ces défis complexes”.

L’expérience de la Somalie souligne l’importance de promouvoir la compréhension intergénérationnelle pour établir une paix positive. Le Programme de justice transitionnelle a jeté les bases d’un processus de réconciliation local et significatif en comblant les écarts générationnels. Il renforce le potentiel du pays à transformer son histoire douloureuse en une source de résilience et de renouveau, favorisant un avenir établi sur la justice, l’inclusion et une paix durable.

Discuter de l’histoire pour contrer la manipulation et les divisons

Dans les contextes fragiles touchés par un conflit, les jeunes sont particulièrement vulnérables à la manipulation et aux idéologies motivées par la haine en raison de leur connaissance limitée de l’histoire de leur pays. La propagation de la désinformation est facilitée par l’utilisation abusive accrue d’Internet, en particulier les médias sociaux et forums toxiques diffusant des discours de haine et favorisant la division.

Au Rwanda, au Burundi et en Somalie, des dialogues intergénérationnels qui rassemblent les jeunes et les aînés respectés de divers secteurs—publics, privés, academiques et de la société civile — aident les jeunes à mieux connaître et comprendre les événements tragiques qui ont marqué l’histoire de leurs communautés et leurs pays, y compris le génocide et/ou les conflits armés. Ces conversations leur permettent de construire activement des sociétés pacifiques et résilientes. Dans ces pays, où les souvenirs de la violence persistent et les héritages du traumatisme façonnent la vie quotidienne, autonomiser les familles, les communautés et les jeunes pour qu’ils affrontent ensemble des histoires douloureuses n’est pas seulement réparer les liens brisés mais jeter les bases d’une vie paisible. Les sociétés seront inclusives et les divisions passées ne décideront alors plus l’avenir. La réconciliation, la justice et la paix durable seront atteintes.

Rempart au changement climatique, la gestion des ressources naturelles comme vecteur de paix et de résilience en Afrique de l’Ouest

En Afrique de l’Ouest, les conflits transfrontaliers sont exacerbés par une gestion ineffective des ressources naturelles, souffrant du changement climatique et d’autres pressions socio-économiques. En réponse, Interpeace et ses partenaires locaux ont élaboré des programmes innovants visant à renforcer la collaboration entre les communautés transfrontalières au Mali, en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Ces efforts cherchent à améliorer la cohésion sociale, promouvoir le développement économique et renforcer la résilience des populations locales face aux chocs climatiques.

Les régions de Sikasso au Mali et des Hauts-Bassins au Burkina Faso sont essentielles à la stabilité et la prospérité du Sahel. “Poumons verts” de la région, ces provinces se démarquent par leur potentiel de productivité agricole et leur positionnement stratégique en tant que carrefours commerciaux. La richesse des ressources naturelles de ces territoires est un pilier essentiel aux moyens de subsistance des habitants, mais constitue également une forme de tension en l’absence de structures de gouvernance et en raison du stress environnemental.

Dynamique des conflits et pressions climatiques

Une recherche menée par Interpeace en 2021, financée par la Fondation PATRIP, fait état de trois dynamiques de conflit majeures transversales affectant plusieurs zones, notamment entre Koloko (Burkina Faso) et Finkolo (Mali), ainsi qu’entre les communautés de la région des Cascades (Burkina Faso) et le Tchologo (Côte d’Ivoire).

Premièrement, la compétition à l’acquisition, l'accès et l’usage du foncier s’est intensifiée puisque l’agriculture demeure le principal moyen de subsistance. Les agriculteurs étendent les limites de leurs terres arables au-delà des frontières traditionnelles, accroissant les tensions liées aux droits d’accès et de culture.

"Un/e agriculteur/rice cultivant un lopin de terre cherche à en repousser les délimitations, générant des conflits avec les autres agriculteurs, qui trouvent les démarcations traditionnelles changées", explique un agriculteur local de Koloko, au Burkina Faso.

Ensuite, la multiplication des conflits entre agriculteurs et éleveurs, de par la raréfaction des pâturages disponibles dû à l’expansion des terres agricoles, qui provoque des affrontements violents avec les éleveurs transhumants, les pasteurs nomades qui migrent saisonnièrement à la recherche de pâturages.

Enfin, l’exclusion des femmes et des jeunes des processus de gestion des conflits affaiblit la résilience communautaire. En dépit du rôle primordial joué par les femmes et les jeunes dans l’usage et la gestion des ressources naturelles, ces segments de la population restent souvent en marge des structures décisionnelles au sein d’une société marquée par une culture patriarcale.

La variabilité du climat, la dégradation des terres et l’usage de pratiques agricoles nocives à l’environnement, de même que l'aggravation de ces phénomènes dûs au changement climatique, font pression sur des réserves de ressources naturelles déjà sur le déclin. À cela s'ajoutent des saisons de pluie de plus en plus courtes, la raréfaction des précipitations, la multiplication des catastrophes naturelles, la déforestation et la désertification, exacerbant les sources de conflit. La migration des éleveurs transhumants vers les zones déjà fragiles a accru les tensions, compliquant ainsi la planification agricole et la gestion du bétail. Les pressions qui en résultent déclenchent des conflits récurrents, à la fois au sein des communautés et entre elles.

Pour favoriser l’édification d’une paix durable dans ces communautés, Interpeace a mis en place une stratégie selon trois axes prédominants : la promotion du dialogue participatif, le soutien de moyens de subsistance alternatifs et l’investissement dans les infrastructures communautaires favorisant le vivre ensemble.

 Renforcer la cohésion sociale par le dialogue communautaire

Interpeace a mis en place une stratégie à trois volets : la promotion du dialogue participatif, le soutien de moyens de subsistance alternatifs et l’investissement dans les infrastructures communautaires favorisant le vivre ensemble.

Le dialogue participatif a été institué via trois axes principaux: la conduite consultations communautaires sous forme de dialogues inter- et intracommunautaires dans la première phase du projet a permis de créer une plateforme de sensibilisation sur la prévention des conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles.

Ensuite, la mise en place de commissions transfrontalières, constituées de membres de la communauté, des autorités locales et des agents techniques, : a non seulement servi de cadres pour l’intégration intercommunautaire, mais également d’outils efficaces pour la prévention et la gestion des conflits, au travers de mécanismes de plainte facilitant la résolution pacifique des conflits.

Interpeace, en collaboration avec ses partenaires locaux — les associations SOS Enfants et Esther Vision au Burkina Faso, et Action pour le développement de l’initiative locale au Mali — a mené une série de campagnes de sensibilisation par le biais de conférences et de forums éducatifs. Quatre cadres de dialogue civilo-militaire ont été mis en place, parallèlement à des rencontres éducatives, des foires transfrontalières et des représentations théâtrales communautaires destinées à promouvoir la coexistence dans les zones frontalières.

Ces forums, portant sur la gestion des ressources naturelles le long de la démarcation frontalière, ont attiré plus de quatre mille participants, y compris des dirigeants communautaires et, des autorités administratives et politiques. La mise en lumière du patrimoine culturel et gastronomique local a permis selon les participants de redécouvrir des valeurs partagées et des traditions communes entre communautés transfrontalières.

« Aujourd’hui, nous réalisons l’importance de l’effort collectif. Nous ne pouvons pas atteindre la paix sans travailler ensemble. Maintenant, nous nous comprenons mieux et continuons à travailler ensemble. Grâce aux interventions du programme dans nos communautés, nous priorisons la négociation via des canaux de discussions ouverts », a déclaré Zana Alassane, membre de la communauté de Zanapledougou en Côte d’Ivoire.

La promotion d’une culture du dialogue entre les communautés malienne, burkinabé et ivoirienne a permis de rassembler des populations qui, en raison des tensions passées, avaient cessé de socialiser ou de participer à des événements communs.  

Une diminution significative des tensions liées à l’exploitation des ressources naturelles a été rapportée au cours des deux dernières années. Les rapports d’incidents locaux compilant les données des commissions transfrontalières et des autorités locales n’ont révélé que des incidents mineurs en 2024, sans conflits majeurs liés aux ressources naturelles.

"Le programme nous a ouvert les yeux. Aujourd’hui, nous savons comment nous comporter et, surtout, nous sommes conscients de l’importance de travailler ensemble pour résoudre nos problèmes", a déclaré Coulibaly Blama, un jeune leader dans la communauté d’Ouarga, en Côte d’Ivoire.

 Améliorer les moyens de subsistance pour réduire la pression sur les ressources naturelles

Le programme a également introduit des activités de subsistance alternatives en aidant ces personnes, en particulier les jeunes et les femmes, à développer des initiatives génératrices de revenus, respectueuses de l’environnement et résilientes au changement climatique. Cette approche vise à autonomiser ces membres vulnérables de la communauté, à accroître leur contribution à la cohésion sociale et à réduire leur dépendance vis-à-vis de l’exploitation des ressources naturelles. Les activités comprenaient l’amélioration de la culture des semences, l’élevage de petit bétail et la transformation des produits locaux. Les membres de la communauté ont également appris des techniques agricoles novatrices qui augmentent la productivité sans mobiliser de vastes étendues de terre ou provoquer la dégradation des sols. L’élevage sédentaire de petits ruminants — une pratique durable qui réduit la nécessité d’avoir recours à la transhumance pendant la saison des pluies —, la production de soumbala qui se concentre sur la transformation des produits locaux plutôt que l’exploitation des ressources naturelles et l'apiculture ont contribué à réduire la dépendance à l’exploitation traditionnelle des terres comme seule source de revenu. Ces pratiques ont permis la diversification des moyens de subsistance tout en favorisant la durabilité environnementale et la cohésion sociale.

Des unités communes de transformation, un centre d’élevage de volailles et des entrepôts ont été créés pour favoriser la collaboration et améliorer les conditions socio-économiques. Pour assurer la durabilité de ces initiatives, les membres de la communauté ont reçu une formation sur la gestion des activités génératrices de revenus et la gestion financière.

« Les moyens de subsistance limités causés par le changement climatique ont également été source de conflits au sein de nos communautés. Ce programme nous a aidés à créer des activités génératrices de revenus. Grâce à la formation que j’ai reçue dans la production et la commercialisation de soumbala, j’ai pu accroître ma production et répondre aux besoins de ma famille. Je me concentre sur ce travail, qui a pris le pas sur les sources de tension qu’il y a pu y avoir avec mes voisins”, raconte Odette Sanou.

Investir dans les infrastructures communautaires pour la création d’un intérêt partagé

En complément à ce soutien apporté à la diversification des moyens de subsistance, le programme a permis l’établissement d’infrastructures essentielles à la provision de services publics, à l’image de marchés communautaires modernes, la rénovation de puits d’eau et de barrages, et de centres de santé, favorisant ainsi la synergie entre diverses activités génératrices de revenus et offrant des sites de ressources partagés. Des systèmes d’approvisionnement en eau potable ont également été construits afin de réduire les conflits liés aux ressources hydrauliques.

Ces initiatives ont permis de recréer le lien communautaire et de réduire les tensions, tant au sein des communautés qu’entre elles. Ces infrastructures répondent non seulement aux besoins de la population, mais renforcent également les fondements sociaux et le développement socio-économique.

L’expérience de Sikasso, des Hauts-Bassins et de Tchologo démontrent l’importance du rôle joué par le renforcement de la gouvernance participative des ressources naturelles, la promotion de moyens de subsistance résilients au climat et l’installation d’infrastructures sensibles aux conflits, dans la consolidation de la paix dans les régions fragilisées par les crises et les conflits.

À l’égard des risques liés au changement climatique qui ne cessent de s’accentuer, il est urgent de renforcer ces approches, de soutenir le leadership local et d’intégrer des cadres collaboratifs qui renforcent le lien entre les collectivités et les autorités. Le renforcement de la résilience face aux contraintes climatiques n’est pas seulement un impératif environnemental, mais une priorité en matière de consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest et ailleurs.

 

Building and Sustaining Peace Together

ACCORD participates in the 2nd Annual CSO-UN Dialogue on Peacebuilding 

Redefining Peacebuilding Impact Through Local Perspectives: Strengthening Peacebuilding Impact on the Ground 

How Resilience-Oriented Therapy is Transforming Mental Health and Psychosocial Support Services in Rwanda

More than three decades after the Genocide against the Tutsi in Rwanda, a significant portion of the population continues to grapple with its enduring effects on mental health.

Mukagaju (pseudonym), a survivor of the Genocide against the Tutsi, suffered from PTSD for 29 years. Although the genocide ended three decades ago, in her mind, it was still an ongoing nightmare. She continuously relived the harrowing scenes of screaming, running, hiding, and the killings she witnessed during the 100 days of horror. Due to the lack of appropriate support, she turned to prayer, hoping for healing, but to no avail.

"I was unable to sleep, suffered from terrible headaches, and was terrified of being alone. I would stay awake, hyper-alert throughout the night, hiding at the slightest sound or whenever I heard footsteps near my house, believing the perpetrators were coming for me and my children," she recounted.

Over the past three decades, the Government of Rwanda has made commendable strides in addressing the mental health burden by decentralising mental health and psychosocial support services to the health centre level and integrating them into primary healthcare.

However, national efforts face significant challenges, including insufficient funding, limited awareness and understanding of mental health, pervasive stigma, and a shortage of mental health professionals. The high prevalence of mental health conditions and the low utilisation of available services further exacerbate these issues.

The 2018 Rwanda Mental Health Survey (RMHS) by Rwanda Biomedical Centre (RBC) indicated a prevalence of mental disorders at 20.49%, substantially surpassing the global average. Today, that rate is likely higher than reported in 2018. In 2023,  RBC reported that one in five Rwandans experiences mental health challenges, with 2,879 suicide attempts documented by the Health Management Information System (HMIS).  

By June 2024, HMIS identified schizophrenia and other psychotic disorders (18%), depression (10%), bipolar disorder (2%), and Post-Traumatic Stress Disorder (PTSD) (2%) as the most common diagnoses. Globally, it is projected that by 2030, mental health disorders—particularly depression—will rank as the leading contributor to the global burden of disease. Furthermore, the intergenerational trauma stemming from the genocide continues to jeopardise the mental well-being of younger generations. Despite the high prevalence of mental health conditions, only 5.6% of the population seeks services from formal mental health care systems, according to RMHS.

Resilience-oriented therapy has the potential to address the limitations of the one-on-one approach largely utilised across the country.

According to Rwanda’s health workforce statistics, the country has only 16 psychiatrists (a ratio of 1 per 862,400 people), 441 certified clinical psychologists (1 per 31,289 people), and 202 mental health nurses (1 per 68,400 people) working in public facilities. These professionals primarily employ a one-on-one approach and often prioritise pharmacological treatments over psychotherapy.

Mukagaju eventually overcame her trauma after joining a Resilience-Oriented Therapy healing group established at Rukira Health Centre in Ngoma District, Eastern Province of Rwanda, six months ago. “Today, I sleep peacefully after years of fear and hypervigilance. Nothing frightens me to the point of fleeing my home at night, because now I know we are not in the middle of the genocide. I’ve learned to control my fears whenever they arise,” she joyfully explained.

Resilience-Oriented Therapy is a psychological intervention designed to address mental health issues related to emotional regulation, identity development, behavioural self-management, and the enhancement of individual psychological resilience within a group setting. Introduced in health centres in October 2023 through a joint effort by Interpeace and the Government of Rwanda, spearheaded by RBC, the therapy aims to provide a sustainable, cost-effective solution to the challenges posed by the high prevalence of mental health disorders.

Resilience-Oriented Therapy not only addresses mental health issues rooted in traumatic events such as the genocide but also supports individuals facing conditions triggered by various life circumstances. For instance, Uwimana (Pseudonym), who attempted suicide twice due to depression after suffering mistreatment from her husband—who abandoned her while she was four months pregnant—shared her transformative experience.

"I tried to throw myself and my children into the river because I thought ending our lives was the only way out of my pain. I didn’t want to have another child after being abandoned. This group has helped me; I no longer feel stressed or depressed. I’ve found inner peace, and now I am determined to raise my children with hope for a brighter future," Uwimana said, holding her five-month-old baby, who she noted would not have been born had she not joined the Resilience-Oriented Therapy group at Nyakigezi Health Centre, Rugera Sector, Nyabihu District, Western Province.

Resilience-Oriented Therapy represents the first group-based intervention introduced within formal health facilities in Rwanda. It is currently available in 32 health centers and seven district hospitals across five districts—Musanze, Ngoma, Nyabihu, Nyagatare, and Nyamagabe—and is administered by trained psychologists or mental health nurses. To date, 446 individuals (308 women and 138 men) have benefited from the therapy.

The therapy is tailored to Rwanda’s specific cultural context, while incorporating international best practices, ensuring its relevance and effectiveness.

The therapy is tailored to Rwanda’s specific cultural context, while incorporating international best practices.

The healing process spans six months, with the group convening for weekly three-hour sessions. Through this intervention, participants acquire psychosocial skills for trauma management, emotional regulation, self-care, and resilience building, equipping them to navigate daily challenges and adapt to evolving circumstances.

Dr. Jean Damascene Iyamuremye, Director of Psychiatric Care at RBC, recognises the positive impact Resilience-oriented therapy has had on the community and advocates for its nationwide expansion. "This is an innovative approach compared to the one-on-one approach we have been using. We have observed considerable progress since its implementation. In the community, people are now more motivated to seek professional help at the early stages of their mental health challenges. They have found healing and solace, and our hope is to scale this therapy across the country. It’s a community-based intervention we deeply appreciate, as it has also enhanced the overall quality of care,” Dr. Iyamuremye remarked. Interpeace is working with RBC to scale up the intervention across the country.