Les voix de Mandera : histoires d'espoir et de paix du comté de Mandera au Kenya

La violence persistante dans certaines communautés du nord du Kenya a souvent déchiré les sociétés, avec des attaques entraînant des victimes, des dommages matériels, des blessures et des déplacements. Dans ces territoires, Interpeace et la Commission nationale de cohésion et d'intégration (NCIC) ont facilité la mise en place de structures locales de consolidation de la paix grâce auxquelles les communautés ont souvent fait preuve d'une incroyable résilience pour dépasser leurs différences et briser le cycle de ces affrontements.

À Banisa, dans le comté de Mandera, le long de la frontière entre le Kenya et l'Éthiopie, celles-ci ont utilisé les espaces de dialogue pour collaborer, gérer les conflits et réconcilier leurs différences.

« La paix ne peut être maintenue qu'au sein de ces communautés. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur le renforcement de la résilience des espaces locaux de consolidation de la paix, afin que celles-ci puissent maintenir la paix après la fin de notre projet », explique le représentant d'Interpeace au Kenya, Hassan Ismail.

Ces mécanismes à Banisa ont été créés après la mort de 28 personnes dans une série d'attaques et de représailles qui ont également provoqué le déplacement de milliers d'autres personnes en octobre 2019. Le conflit a été résolu par une série de dialogues intercommunautaires qui se sont conclus par un accord de paix.

Les structures communautaires de consolidation de la paix sont constituées de comités de surveillance du cessez-le-feu (CMC), de groupes de travail, d'un forum des acteurs de la paix et de comités d'espace de dialogue villageois qui relient les différents corridors de conflit. Elles sont coordonnées et soutenues par les équipes locales de consolidation de la paix. Les membres du comité de cessez-le-feu travaillent avec les communautés pour désarmer les milices locales, s'assurer que les personnes déplacées rentrent chez elles, initier et faciliter le dialogue et renforcer la cohésion sociale.

« La mise en œuvre efficace des accords dépend de la façon dont nous travaillons en équipe. Malgré nos origines claniques, nous irons toujours de l'avant », a déclaré un membre du comité de surveillance du cessez-le-feu, Mohamed Yussuf.

Ses homologues et lui ont été formés à l'analyse des conflits, à la facilitation du dialogue, au partage des alertes précoces aux conflits pour une réponse rapide et à la résolution des conflits au sein de leurs communautés avant que ceux-ci ne deviennent incontrôlables. Depuis la création de ces espaces de dialogue, les actes violents de représailles ont considérablement diminué. Ces structures locales ont également répondu à six incidents violents majeurs impliquant 14 décès.

Grâce à ces espaces, la confiance a été rétablie entre certaines communautés de Mandera et la culture de la paix et de la réconciliation a été encouragée, ce qui a permis de résoudre certains problèmes structurels qui déclenchent souvent des conflits dans les communautés, sans soutien d'acteurs de paix extérieurs.

Rwanda: new findings and protocols to improve mental health and social cohesion

Des études montrent une prévalence élevée de troubles de santé mentale au Rwanda. Cette empreinte du génocide de 1994 contre les Tutsi a rendu difficile la réconciliation et la guérison sociétale. Lors d'une conférence hybride dans la capitale Kigali, le 2 septembre 2021, Interpeace et ses partenaires ont présenté les résultats de la recherche de base menée sur la santé mentale et la guérison sociétale dans le district de Bugesera.

La conférence était organisée par Interpeace, en partenariat avec la Commission nationale pour l'unité et la réconciliation (NURC) et Prison Fellowship Rwanda (PFR). Elle a été soutenue par l'Union européenne (UE) à travers son ambassade au Rwanda.

Au cours de l'événement, les participants ont également discuté du développement de plusieurs protocoles, éclairés par cette enquête de base, pour évaluer les efforts en cours et intervenir sur les questions liées à la santé mentale, à la cohésion sociale et aux moyens de subsistance durables au Rwanda.

Depuis le génocide contre les Tutsi, le Rwanda a connu 27 années de développement et de croissance soutenus. Cependant, le pays continue de faire face à d'importants problèmes de santé mentale. Une proportion considérable de la population rwandaise vit avec un traumatisme lié au génocide contre les Tutsi.

« Ma mère est toujours seule. Quand je lui pose une question sur ce qui s'est passé pendant le génocide, elle s’isole immédiatement dans une pièce pour pleurer et je me sens triste parce que je ne peux rien faire pour l'aider à se sentir mieux »,a déclaré un participant à l'étude de base.

Cette situation est aggravée par la détresse psychologique et socioéconomique qui a contribué à perturber la cohésion sociale. Ces conditions de santé mentale qui prévalent ont rendu difficile le rétablissement de la confiance et la réconciliation des gens au Rwanda.

« Le Bugesera a beaucoup souffert du génocide contre les Tutsi. Les personnes traumatisées ont des difficultés à se pardonner et à se faire confiance, de même qu’à adopter le développement et des moyens de subsistance durables »,a déclaré le maire du district de Bugesera, Richard Mutabazi.

Cependant, le gouvernement rwandais et les organisations de la société civile locale ont déjà réalisé des investissements et des progrès importants dans la guérison des traumatismes, la cohésion sociale et l'amélioration des moyens de subsistance. Pour soutenir ces efforts en cours, la Commission nationale pour l'unité et la réconciliation, Prison Fellowship Rwanda et Interpeace ont commencé à mettre en œuvre la phase pilote d'un programme de guérison sociétale dans le district de Bugesera, qui a été le plus durement touché par le génocide contre les Tutsi. Cette étude de référence sur la santé mentale et la guérison sociétale faisait partie de ce programme, lancé en octobre 2020.

"Nous voulions évaluer l'état actuel des communautés du district de Bugesera, en ce qui concerne la santé mentale, la cohésion sociale et les moyens de subsistance collaboratifs, puis utiliser les données comme base pour développer des protocoles d'intervention pour le district et au-delà", a expliqué le représentant d’Interpeace au Rwanda et dans la région des Grands Lacs, Frank Kayitare. « Nous avons obtenu une contribution inestimable des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Ces intrants ont rendu notre programme plus réactif, permettant un résultat potentiellement plus résilient ».

La présentation des résultats de cette étude lors de la conférence, le 2 septembre, a marqué l'achèvement de la première étape de ce programme pilote, connue sous le nom de « Renforcement des capacités communautaires pour la cohésion sociale et la réconciliation par la guérison des traumatismes sociétaux dans le district de Bugesera ».

« Nous sommes très heureux de voir ce projet aboutir après plusieurs discussions qui ont commencé sur ce sujet très important entre Interpeace, le gouvernement, l'UE et d'autres partenaires il y a plus d'un an », a déclaré l’ambassadeur de l'UE au Rwanda, Nicola Bellomo.

Le défi de la santé mentale au Rwanda est multidimensionnel. Le manque de remords et de pardon, l'impunité et la pauvreté ont tous été cités dans la recherche comme des facteurs qui sous-tendent la méfiance entre les groupes sociaux. Un autre aspect important révélé par l'étude était le défi de la réinsertion réussie des auteurs de génocide condamnés qui ont terminé leur peine de prison. Plus précisément, il a été constaté que la réintégration est très souvent une expérience extrêmement difficile, pour les anciens prisonniers mais aussi pour les communautés qui les accueillent. Les problèmes de stigmatisation sociale, de rejet par la famille et d'incapacité à maintenir des moyens de subsistance ont été les plus fréquemment signalés parmi les ex-détenus libérés. Ces défis sociaux auxquels sont confrontés les ex-prisonniers aggravent les problèmes causés par une longue période d'incarcération, qui incluent la perte d'identité sociale et professionnelle, l'érosion des relations familiales et de l'expression émotionnelle, de même que la perte d'espoir dans l'avenir.

« Les défis au niveau communautaire ne sont pas seulement unidimensionnels et nécessitent un effort de collaboration. Ce qui se passe au Rwanda est un exemple révolutionnaire et brillant. Nous devrions penser à l'évolutivité de ces initiatives pour un meilleur résultat », a déclaré ée représentant régional principal pour l'Afrique orientale et centrale chez Interpeace, Theo Hollander.

En termes de moyens de subsistance, l'enquête de base a révélé des preuves de difficultés économiques. Les gens luttent pour survivre aussi bien qu'ils le peuvent dans des circonstances défavorables. Un défi clé qui a émergé de l'étude est la faible production agricole qui contribue à l'insécurité alimentaire. Le recours à l'agriculture pluviale, l'accès insuffisant aux terres irrigables, l'utilisation limitée d'engrais et la propriété limitée de bétailsont tous en cause. Les résidents comptent inévitablement sur les marchés pour compléter leurs approvisionnements alimentaires, ce qui à son tour pousse les jeunes à des rôles de travail subalternes afin de générer les liquidités nécessaires, réduisant leur disponibilité pour participer à l'éducation et à la formation. Les compétences professionnelles faisaient défaut dans le district, la grande majorité des personnes interrogées déclarent que leur seule compétence professionnelle est l'agriculture avec des outils de base.

« Notre objectif au Rwanda est de développer des interventions complètes, d'associer des solutions rwandaises locales aux meilleures pratiques internationales et d'utiliser plusieurs types de preuves pour améliorer la santé mentale », a déclaré le directeur exécutif adjoint de Prison Fellowship Rwanda, Ntwali Jean Paul.

L'étude a également évalué les perspectives et la dynamique du genre et des jeunes en termes de santé mentale, de relations familiales, de réinsertion des prisonniers et de moyens de subsistance. Elle a révélé que les femmes du district de Bugesera ont été profondément affectées par le génocide, par diverses voies directes et indirectes. En ce qui concerne la santé mentale, l'étude a révélé que plus de femmes que d'hommes ont signalé des problèmes d'anxiété et de dépression. En ce qui concerne la transmission intergénérationnelle des héritages du génocide, l'étude a identifié deux défis majeurs pour les jeunes ; le premier est de grandir dans une famille dans laquelle les parents souffrent de problèmes psychosociaux étendus en raison de leurs expériences traumatisantes, dans la mesure où cette situation mine leur capacité en tant que parents. La seconde est la difficulté pour les parents de discuter des événements et des expériences qui provoquent souvent chez leurs enfants un sentiment de confusion, de colère ou d'insécurité.

« La santé mentale est cruciale pour faire progresser la cohésion sociale au Rwanda. Les équipes d'Interpeace Rwanda, de la Commission nationale pour l'unité et la réconciliation, du ministère de la santé et de Prison Fellowship Rwanda ont aidé les Rwandais et le gouvernement à relever ces défis et traumatismes liés à la santé mentale et nous nous engageons à en faire plus avec nos partenaires », a déclaré le président d'Interpeace, Scott Weber.

Les résultats de l'enquête de base ont informé le développement de plusieurs nouveaux protocoles d'évaluation et d'intervention, qui guideront les efforts futurs liés à la santé mentale, à la cohésion sociale et aux moyens de subsistance durables au Rwanda. L'ensemble de ceux-ci comprenait une intervention holistique de santé mentale et de soins psychosociaux combinant des solutions locales rwandaises avec les meilleures pratiques internationales. Plus précisément, les protocoles de dépistage visaient à évaluer la population communautaire et à affecter les participants aux interventions, en fonction de leurs besoins individualisés. Parmi les autres dispositifs développés, il existe un protocole de thérapie axé sur la résilience et un programme de compétences socio-émotionnelles pour les soins de santé mentale ; espace de ressourcement multifamilial et adaptations des protocoles de sociothérapie pour la cohésion sociale ; évaluation des risques et de la résilience des détenus et protocoles de réhabilitation des détenus et feuille de route pour la réinsertion ; ainsi qu'un protocole collaboratif sur les moyens de subsistance pour guider le développement des entreprises communautaires.

Vous pouvez écouter l'enregistrement de la conférence ici : https://spoti.fi/3zOnMod

Notre programme de guérison sociétale au Rwanda renforce les capacités des communautés grâce à une approche innovante et holistique pour accroître les investissements dans la santé mentale, lutter contre les traumatismes et faire progresser la cohésion sociale. Le programme est financé par l'UE à travers son instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP).

Côte d’Ivoire : la jeunesse mobilisée contre la violence politique

La Côte d’Ivoire est entrée en 2020 dans un nouveau cycle électoral marqué par des confrontations intra- et intercommunautaires. Alors que les trois quarts de la population ont moins de 35 ans, les jeunes sont souvent stigmatisés et perçus comme étant responsables ou associés à de la violence politique. Pour changer cette vision et contribuer à la mise en œuvre de l’agenda Jeunes, paix et sécurité, Interpeace et son partenaire Indigo Côte d’Ivoire ont lancé un projet visant à améliorer leur participation en tant qu’acteurs et leaders dans la consolidation de la paix et la prévention des violences politiques. Le Livre blanc rassemblant les résultats et bonnes pratiques tirées de cette action a été présenté le 7 septembre 2021 à Abidjan.

En période électorale, un marketing politique polarisant et manipulateur des identités est fréquemment employé par les acteurs politiques ivoiriens de tous bords pour mobiliser leurs électeurs. Cela génère des tensions entre groupes ethniques et religieux, et entretient un climat de défiance et de contestation des résultats électoraux qui peuvent dégénérer en violences intercommunautaires. En 2020, près de 80 personnes ont ainsi trouvé la mort à travers le pays dans des affrontements liés aux élections présidentielles. La participation des jeunes à ces conflits est souvent montrée du doigt par les acteurs locaux, nationaux et internationaux, qui les désignent comme des acteurs « à risque » vulnérables et facilement manipulables. Ces discours ont pour effet de stigmatiser et marginaliser la majorité silencieuse des jeunes hommes et femmes qui restent en dehors des processus de violence, et de déprécier les efforts de celles et ceux qui s’engagent activement au quotidien pour la paix et la cohésion sociale.

C’est également le constat fait par la résolution historique 2250 du Conseil de sécurité des Nations Unies en 2015, qui appelait tous les acteurs concernés à augmenter la représentation et la participation inclusive, effective et réelle des jeunes dans les efforts de consolidation de la paix. C’est dans cet esprit qu’a été conçu le projet « YPS en pratique : auto-analyse et renforcement du leadership des jeunes dans la prévention de la violence politique en Côte d’Ivoire », une action de consolidation de la paix dont les jeunes n’étaient pas les bénéficiaires mais les protagonistes à part entière. En choisissant de sélectionner et d’accompagner des initiatives de jeunes agissant déjà pour la paix et la cohésion sociale, Interpeace et Indigo Côte d’Ivoire ont fait le pari de miser sur la résilience et l’engagement citoyen de ces personnes dans deux quartiers réputés sensibles d’Abidjan, Yopougon et Abobo.

« En Côte d’Ivoire, plusieurs associations de jeunes et de femmes œuvrent activement pour la promotion de la cohésion sociale à travers des initiatives. Cependant, l’implication de cette jeunesse dans les violences électorales et les conflits intercommunautaires, ainsi que la jeunesse radicalisée perpétue une image négative des jeunes », dit Bakary Sidibe, conseiller technique du ministre de la Promotion de la jeunesse, de l'insertion professionnelle et du service civique. « Pour changer ce paradigme et impliquer les jeunes dans les actions de paix et de sécurité, il apparaît nécessaire de guider cette jeunesse et renforcer ses capacités à la mise en œuvre de projets de consolidation de la paix ».

Dans le cadre du projet « YPS en pratique »,  une quarantaine de jeunes leaders œuvrant déjà pour la paix et la cohésion sociale dans leurs quartiers ont été sélectionnés. Après des séances de renforcement de capacités en analyse de conflit et gestion de projets, les jeunes hommes et femmes accompagnés par Indigo Côte d’Ivoire et Interpeace ont conçu et mis en œuvre leurs propres projets de consolidation de la paix et de prévention de la violence électorale à Abobo et Yopougon. Les résultats et bonnes pratiques à répliquer pour mettre les jeunes « au volant » des actions de paix et sécurité ont été rassemblés dans un Livre blanc. Celui-ci a été présenté le 7 septembre à Abidjan devant des représentants de ministères, municipalités, agences des Nations Unies, ambassades, ONG nationales et internationales et autres partenaires techniques et financiers.

En accompagnant ces jeunes, le projet a testé des moyens et outils pour améliorer leur esprit d’analyse, leur stratégie, leur impact et leur collaboration. Lors de l’événement, les participants ont partagé leurs impressions sur les résultats du projet.

"Avant l'arrivée d’Indigo, j’étais membre d'une ONG mais je ne me suis jamais dit que j’allais m’engager devant des gens ou être responsable d’un mouvement. Aujourd’hui, avec toutes les formations, je suis la coordonnatrice d’une plateforme de 40 initiatives au niveau de Yopougon", a dit Kiteni, de l’organisation de l’association des jeunes Tchêlê Woyê.

Ils ont également présenté le travail qu’ils menaient dans leurs communautés. Des jeunes femmes ont formé des ambassadeurs de paix, dont la mission était de sensibiliser leur entourage à la bonne entente entre communautés et d’alerter en cas d’incidents pour permettre la prévention des violences par le dialogue ou la mobilisation des autorités. Une autre initiative a formé des jeunes à la vérification des informations circulant sur les réseaux sociaux pour endiguer le phénomène des rumeurs et fausses nouvelles qui concourent à un climat de tensions et de violence. D’autres ont travaillé à rapprocher des personnes issues de secteurs, religions ou ethnies différents qui ne se fréquentaient pas ou étaient en conflit, à travers des dialogues et des activités d’intérêt général.

« Notre projet a associé toutes les parties prenantes [à un conflit opposant deux quartiers depuis la dernière crise socio-politique]. On a trouvé des solutions pour metre en place un climat paisible. Les populations ont donné elles-mêmes les solutions. Nous avons organsié un match de foot avec deux équipes mixtes des deux quartiers. Les équipes étaient mélangées et il n’y a pas eu de palabre [dispute] à la fin. » a dit Mariama, de l’initiative Jeunesse Unie pour le Développement.

Tous ont ouvert des espaces de discussion permettant aux personnes consultées de parler de leurs perceptions de la paix et de la sécurité dans le quartier, des traumatismes subis pendant les dernières crises, de l’état des relations avec les groupes opposés. Ces espaces de discussion ont souvent permis de réunir et créer un dialogue entre des groupes de personnes qui ne se parlaient jamais bien qu’habitant au même endroit. En adressant les divisions sociopolitiques, religieuses et ethniques dans leurs quartiers, les jeunes leaders ont également participé à la prévention des violence électorales qui pourraient survenir lors de prochaines échéances électorales.

"Lors du phénomènre de circulation des fausses nouvelles, au lieu de bruler les marchandises des Haoussas, [les participants de notre projet] les ont protégés des agressions dans le quartier. " raconte Kiteni, de l’organisation de l’association des jeunes Tchêlê Woyê, en référence à un épisode de violence intercommunautaire survenu le 5 mai à Abobo et Yopougon après la diffusion d’une fausse vidéo. Cette dernière prétendait montrer des Nigériens s’attaquant à leurs voisins Ivoiriens et incitait les habitants d’Abidjan à se venger.

Grâce au projet YPS, les initiatives ont pu prendre conscience du rôle qu’elles avaient à jouer pour la paix, renforcer leurs capacités pour concevoir et mettre en œuvres des actions stratégiques et inclusives, et les communiquer à des décideurs locaux, nationaux et internationaux. A travers toutes ces actions, ces jeunes leaders ont montré que la jeunesse a la capacité d’agir pour la paix et la sécurité.

Citant l’ancien président américain John F. Kennedy, Jean-Luc, membre de l’association Young Ivoirian Promoters of English a ainsi conclu la présentation des résultats du projet en disant : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ».

En Côte d’Ivoire comme ailleurs, les jeunes ont  la volonté et le potentiel pour contribuer à la paix et stabilité dans leur pays. Il revient au grand public, aux acteurs nationaux et internationaux de reconnaître leur rôle important dans la construction de la paix durable et de leur donner des outils de participation dans la prise de décisions politiques et sécuritaires.

Créer des voies vers une paix durable au Burkina Faso : le lien en action

Répondre aux besoins immédiats des personnes touchées par les conflits ainsi qu'aux causes sous-jacentes des crises prolongées nécessite une synergie cohérente, une coordination efficace et un engagement à long terme des acteurs humanitaires, de développement et de consolidation de la paix.

The recurring and multifaceted nature of conflicts around the world today - and particularly in Burkina Faso - underlines the need for a closer collaboration and deeper coordination by these actors in the humanitarian, development and peacebuilding sector.

Les acteurs humanitaires et de développement prennent conscience de la nécessité d'investir davantage dans des interventions qui contribuent à mettre fin aux besoins et à renforcer la paix en même temps. Conscient de cette situation, le système des Nations Unies au Burkina Faso a mandaté Interpeace, à travers le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), pour mener une étude qui cartographie les capacités de ces acteurs pour l'opérationnalisation de l'approche nexus humanitaire-développement-paix.

Après cette analyse Interpeace et le PNUD ont réuni des acteurs clés pour opérationnaliser une plate-forme pour le lien humanitaire-développement-paix dans le pays. L'atelier de deux jours dans la capitale Ouagadougou, du 1 au 2 juillet 2021, a réuni près d'une centaine de participants représentant toutes les parties prenantes concernées.

« Malgré les défis sécuritaires actuels qui rendent les actions sur le terrain difficiles, nous ne devons pas abandonner les populations vulnérables. C'est le défi pour les acteurs de l'humanitaire, du développement et de la consolidation de la paix, d'où l'importance de rendre le lien opérationnel au Burkina Faso », a expliqué la coordonnatrice résidente du Système des Nations Unies au Burkina Faso, Metsi Makhetha.

L'étude menée par Interpeace depuis près d'un an a porté sur les mécanismes de coordination des actions, l'adaptation organisationnelle, l'inclusion des acteurs locaux dans le cycle de vie du projet, ainsi que les mécanismes de financement des partenaires techniques et financiers.

« Nous devons insister sur la nécessité d'une approche multidimensionnelle et holistique pour répondre à la nature multidimensionnelle des défis auxquels le Burkina Faso est confronté », a déclaré, le représentant résident du PNUD, Mathieu Ciowela , qui a décrit le nexus comme un accélérateur pour l'agenda 2030 des Nations Unies.

L'une des principales recommandations formulées par les populations elles-mêmes était la nécessité de les impliquer davantage tout au long du processus, de l'évaluation de leurs besoins à la mise en œuvre jusqu'au suivi et à l'évaluation des projets.

« Le nexus sera opérationnalisé au Centre-Nord [région] car les acteurs sont désormais sensibilisés à la démarche. Il existe des organisations qui ont déjà intégré l'approche dans la planification de leurs activités. Nous jouerons notre rôle pour renforcer la synergie d'actions entre tous les acteurs de la région », a expliqué le président du Conseil régional de la région Centre-Nord du Burkina Faso, Adama Sawago.

« L'inclusion de tous est nécessaire pour construire les interventions autour d'outils consensuels qui pourraient renforcer la synergie d'action entre les acteurs et mieux répondre aux besoins des populations » Cette citation est trop répétitive avec la précédente,pas très adapté, a déclaré le directeur général de l'aménagement du territoire, Charles Dalla, qui représentait le ministre délégué chargé de l'aménagement du territoire.

Les participants à l'atelier ont exprimé leur satisfaction quant à la qualité des données de la recherche d'Interpeace et ont apprécié les riches discussions qu'ils ont eues sur les résultats. Quelques recommandations ont été faites à l'issue de l'atelier qui, si elles sont mises en œuvre, faciliteront l'opérationnalisation de l'approche nexus.

« Au-delà de la coordination et de la cohérence des interventions au profit des populations, l'établissement d'un lien humanitaire-développement-paix est un véritable accélérateur de développement au Burkina Faso. Il est donc impératif de le mettre en œuvre d'urgence en mettant en place une structure crédible, inclusive et participative, en mobilisant les acteurs politiques et en impliquant les acteurs locaux », a déclaré, le représentant d'Interpeace au Burkina Faso, Cheick Faycal Traoré.

Some of the recommendations from the study include: a call for the process to be given political validation and anchored in national institutions in line with mechanisms of the national development repository; the creation of a technical committee to support, guide and develop the tools needed to implement the nexus; develop an interactive database that presents, in real time, an overview of the humanitarian, development and peacebuilding interventions carried out by both the government and technical and financial partners; pilot the new approach in the regions first, especially in those areas where the study was carried out and use the evidence and lessons learned to scale it up at national level; strengthen the coordination, flexibility and duration of funding in order to facilitate access by local actors and taking into account emergencies; strengthen the role of deconcentrated and decentralized  actors, civil society and the concerned populations in the project life cycle; and deepen the work of the Troïka – a framework for consulting technical and financial partners - on joint analysis and data sharing.

L'étude inclusive d'Interpeace a été réalisée dans trois des régions administratives du pays - la région du Sahel, la région de la Boucle du Mouhoun et la région du Centre-Nord. Les données ont été recueillies à partir d'entretiens individuels, de discussions de groupe et d'une revue de la littérature.

Libye : la valeur ajoutée des processus locaux de paix et de réconciliation

La Libye traverse des mois difficiles alors que le pays se dirige vers les élections du 24 décembre. Le 2 juillet 2021, le Forum de dialogue politique libyen (LPDF), soutenu par l'ONU, n'est pas parvenu à un consensus sur les bases constitutionnelles des prochaines élections. Plus tôt en juin, lors de la deuxième conférence de Berlin, il n'y avait pas eu de progrès significatif en termes de retrait de troupes ou de mercenaires étrangers du pays.

Dans ce contexte fortement divisé, les processus de réconciliation communautaires sont essentiels pour résoudre les conflits découlant des griefs locaux. Cependant, trop souvent, les populations et communautés locales ne sont pas suffisamment impliquées dans les processus de paix de haut niveau. Pour combler ce fossé, Interpeace a réuni un large éventail d'agents de changement impliqués dans l'établissement d'une vision commune des priorités pour la paix afin d'apporter des solutions au niveau local à travers le dialogue communautaire.

Les profondes divisions politiques qui caractérisent la Libye découlent et alimentent les griefs locaux – créant un cercle vicieux et rendant le travail au niveau communautaire d'autant plus important. Depuis 2011, l'engagement d'Interpeace en Libye s'est concentré sur le développement d'infrastructures locales pour la paix et la cohésion sociale. Au milieu de cet état de conflit prolongé, les Libyens sont frustrés par la stagnation politique continue, l'échec des processus de dialogue et les promesses non tenues. Dans le contexte de crise multiforme de longue date en Libye, les espoirs d'une transition démocratique dans les prochains mois sont grands, même avec les derniers revers, mais cette situation est compliquée par de nombreux défis sociaux et politiques en plus du conflit en cours et de la propagation du Covid-19.

Les années de conflit ont également affaibli la cohésion sociale déjà fragile et creusé les écarts dans le pays. Le rétablissement de celle-ci et de l'inclusion doit être une priorité tout en construisant une paix durable dans une situation de conflit aussi complexe que celle de la Libye. À travers son projet « Renforcer la cohésion locale en Libye : une voie vers une paix durable », Interpeace cherche à renforcer les capacités de résilience locale pour une paix durable et à contribuer au développement d'un environnement local pour la stabilité et la croissance future en Libye. Près de 30 communautés bénéficient du programme.

Au cours des dix dernières années en Libye, Interpeace a développé et accompagné un réseau de plus de 200 « agents de changement » ou « facilitateurs de dialogue », à travers le pays, travaillant directement avec la population. Ce groupe est composé d'individus influents de tous âges, sexes et statuts sociaux. Ses membres jouent un rôle important dans la construction d'une paix résiliente en Libye de bas en haut, en veillant à ce que les communautés engagées soient équipées pour être plus résilientes aux conflits, en particulier au niveau communautaire. Cette initiative vise à catalyser la collaboration entre les communautés libyennes et avec les autorités nationales, pour établir une vision commune des priorités pour la paix à travers le renforcement des plateformes de dialogue et celuides capacités des agents de changement dans les communautés locales. Cet effort est soutenu par le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères et le Département fédéral suisse des Affaires étrangères.

« Sur le plan pratique, j'ai été grandement responsabilisé dans ma participation sociale. Il y avait certaines activités dont je me suis tenu à l'écart, pensant qu'elles appartenaient aux spécialistes, et je n'y ai jamais participé. J'ai senti que cela [l'engagement dans l'initiative] m'a donné le courage de participer. Je restais à l'écart de ceux qui avaient des idées et des positions opposées, mais j'ai commencé à intervenir de manière positive. Si une situation difficile survient, j'essaie de trouver des solutions constructives », explique une agente de changement de Tobrouk.

Dans le cadre du programme, Interpeace met en place diverses initiatives pour rassembler des agents de changement basés dans différentes parties de la Libye et soutenir leurs efforts pour construire un environnement social pacifique. Le rassemblement le plus récent a eu lieu à Tunis du 20 au 28 juin 2021. Il a été organisé pour aider ces dirigeants et influenceurs communautaires à identifier et à résoudre les problèmes prioritaires au sein des communautés.

« Cette expérience peut être caractérisée de deux manières : nous avons établi des relations dans toutes les villes libyennes en maintenant une communication directe. Je veux dire, maintenant j'ai des amis dans chaque ville libyenne et je peux dire que 60% de l'avantage que j'ai gagné est le fait que je connais personnellement des jeunes de toutes les villes et de différents domaines. […] Personnellement, j'ai rencontré des personnes influentes dans différentes communautés, des personnes sages et des personnes influentes dans la société civile. […] Nous savons que la méfiance peut exister entre les individus envers les organisations internationales travaillant en Libye, mais Interpeace a une approche différente – c'est une expérience particulière », explique un agent de changement de Tobrouk.” explains a male change agent from Tobruk.

Quarante personnes divisées en deux groupes ont participé à des sessions de quatre jours pour chacun d’entre eux. L’atelier a été organisé pour donner aux facilitateurs de l’Est de la Libye les compétences et les outils requis pour des dialogues communautaires adaptés à leur contexte local.

« Je suis timide – même quand j'ai quelque chose à dire, je préfère rester en retrait, me taire. Je ne suis pas sociable par nature, je préfère rester à la maison. Ma participation aux ateliers […] m'a donné envie d'exprimer mon point de vue qu'il soit accepté ou non par l'autre partie. Maintenant, sur le plan social, j'ai le pouvoir de participer aux projets en cours en Libye, tels que le renforcement du rôle des femmes dans les processus électoraux, en tant qu'électrices ou en tant que candidates, ainsi qu'au niveau de la réconciliation nationale », explique une femme agente de changement d'Al-Baida.

Ce travail est essentiel avec les changements actuels qui ont lieu dans le contexte politique sensible de la Libye et à l'approche des élections dans lesquelles les communautés joueront un rôle clé.

The role of the change agents will be critical in the eventual implementation of a political agreement in bringing public support, particularly among civil society, who are likely to be key champions of any peace outcomes negotiated. The sustainability of a political solution will be dependent on a shared societal agreement about what peace means and what it entails, but also community engagement –going beyond simple outreach - as an actual process of inclusion in the implementation to ensure sustainable peace,” concluded Renée Larivière, Senior Director for Programme Management at Interpeace.

Mesurer la confiance pour améliorer l'accès à la justice dans le centre du Mali

Afin que la frustration causée par l'impunité croissante ne conduise pas à un cycle de violence, Interpeace a rejoint l'Institut malien de recherche-action pour la paix (IMRAP) et plusieurs organismes des Nations Unies pour lutter contre l'impunité et améliorer l'accès à la justice dans le centre du Mali.

Un nouveau projet identifiera les causes et les perceptions de l'impunité dans les régions de Mopti et Ségou au centre du Mali, mettra en place un mécanisme qui répond au besoin de justice sociale et veillera à ce que le système judiciaire soit plus efficace et bénéficie de la confiance de la population pour lutter contre l’impunité. Il facilitera également l'accès à la justice pour la population et assurera la protection des victimes.

Le projet, connu sous le nom d'« Approche intégrée pour lutter contre l'impunité et améliorer l'accès à la justice dans le centre du Mali », est une initiative de 30 mois mise en œuvre conjointement par l'IMRAP, Interpeace, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, l’Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) avec le soutien financier du Fonds pour la consolidation de la paix (PBF) du secrétaire général des Nations Unies.

Un conflit violent qui s'aggrave dans les régions centrales du Mali – principalement entre les groupes armés ethniques Dogon et Peul – a rendu difficile l'instauration de la confiance et de la cohésion entre les communautés. L'incapacité du système judiciaire à demander des comptes aux auteurs de comportements violents a fait de l'impunité l'un des facteurs aggravants de la violence actuelle. Malgré cette réalité, la façon dont les lois sont élaborées et mises en œuvre au Mali a limité l'accès des victimes à la justice et nourri la méfiance à l'égard de celui-ci.

A travers ce projet, un baromètre de perception de l'impunité par la population du centre du Mali mesurera le niveau de confiance dans la justice des populations de Ségou et de Mopti où le projet est mis en œuvre.

« Baser les interventions sur des données solides est primordial pour que les acteurs clés comprennent et abordent correctement les principaux facteurs de conflit et de troubles sociaux. Le baromètre garantit que le projet et le secteur dans son ensemble peuvent être informés par des données de haute qualité sur la façon dont les communautés perçoivent leur situation en ce qui concerne l'égalité d'accès à la justice », explique la responsable du suivi, de l'apprentissage et de l'évaluation d'Interpeace Mali, Helene Bradburn.

Interpeace and IMRAP are leading the process to collect and analyse data, using an inclusive and participatory approach that will witness the active participation of the local population, relevant authorities – especially those in the judicial system - and project partners.

« Les communautés ne sont pas seulement impliquées, mais elles sont également à l'avant-garde de cette méthodologie à chaque étape ; de la conception des questions de l'enquête, à travers lesquelles les données sont collectées, à la fourniture des données elles-mêmes, et enfin à l'analyse des résultats quantitatifs », explique Mme Bradburn. explains Ms Bradburn.

En tant que première recherche du genre au Mali, le baromètre générera suffisamment de données pour éclairer le soutien apporté par les partenaires du consortium et les acteurs clés du système judiciaire formel du Mali, ainsi que pour éclairer les futures initiatives de dialogue.

« Grâce à cet outil avancé, nous pouvons développer une compréhension inégalée de la situation de la justice et de l'impunité dans le centre du Mali. En fournissant ces données aux agences et partenaires des Nations Unies, nous veillons à ce que les interventions conjointes répondent réellement aux besoins locaux et fournissent des solutions pertinentes », conclut Mme Bradburn. Concludes Ms Bradburn.

Le baromètre sera utilisé pour comprendre ce que les gens pensent du système judiciaire et les résultats seront essentiels pour influencer les décideurs au Mali.