Kasaï : redynamiser les commissions consultatives pour réduire les conflits coutumiers

Le gouvernement provincial du Kasaï est désormais engagé à accompagner les commissions consultatives de règlement des conflits coutumiers (CCRCC). Cette décision a été prise début mars dernier lors d’un atelier organisé à Tshikapa, chef-lieu de cette province située à l’ouest de la République démocratique du Congo (RDC). Ce dernier a regroupé une quarantaine de participants, parmi lesquels les chefs coutumiers et quelques leaders des communautés venus de tous les territoires de cette partie du pays.

L’initiative est pilotée par les ONG Action pour la paix et la concorde (APC) et Interpeace en collaboration avec les autorités provinciales. Elle est menée dans le cadre de la mise en œuvre du projet de renforcement de la gouvernance inclusive de la paix en RDC, financé par l’Agence suédoise de développement et coopération internationale SIDA.

L’objectif était d’actualiser équitablement la liste des membres de la CCRCC dans les territoires de Mweka, Tshikapa et dans les groupements incorporés à la ville. La réunion a aussi permis d’aboutir à la mise en place du comité provincial et de définir des stratégies susceptibles d’influencer son opérationnalisation dans toutes les entités concernées.Il s’agissait en outre de faire une analyse sur les forces et faiblesses des CCRCC et identifier des activités prioritaires.

Parmi ces activités, les participants ont proposé la redynamisation et l’installation des comités CCRCC dans tous les secteurs et chefferies et dans la ville de Tshikapa avec l’appui technique et financier de l’APC et d’Interpeace. Le renforcement des capacités de ses membres en droit coutumier, techniques de résolutions des conflits, droit foncier et sécurisation des terres rurales figurent parmi les priorités. Il faudra aussi vulgariser l’arrêté ministériel portant création des CCRCC et d’autres instruments juridiques qui lui sont connexes à travers les médias et réunions populaires.

Au cours de cet atelier, les participants ont également fait une cartographie des conflits coutumiers récurrents qui sévissent dans tous les cinq territoires du Kasaï. La province figurant parmi celles de la RDC où les conflits coutumiers sont violents et sanglants et même parfois sujets à l’embrasement de cette partie du pays, les CCRCC ont un rôle capital dans la consolidation de la paix. Dans un communiqué final de l’atelier, les chefs coutumiers et le gouvernement se sont engagés à les redynamiser pour réduire les conflits coutumiers.A la clôture de la rencontre , le vice-gouverneur de la province, Gaston Nkole Tshimaunga a confirmé l’appui et l’accompagnement du gouvernement provincial dans la matérialisation de toutes les activités proposées.

Pour rappel, c’est en 2017 que le gouvernement congolais par l’entremise du Ministère des affaires intérieures, de la sécurité et des affaires coutumières avait mis sur pied la Commission consultative de règlement des conflits coutumiers. Cependant, quelques faiblesses n’ont pas permis son effectivité dans le Kasaï Parmi elles se trouvent la résistance de certains chefs coutumiers aux décisions prises par ces comités ou encore l’ingérence politique dans le fonctionnement de ceux-ci.

Mind the Peace: Why an integrated approach to MHPSS, peacebuilding and livelihood development is urgently needed

International Women’s Day 2023

Les étudiants réunis avec les autorités et dirigeants communautaires pour une sortie de crise en Ituri

Les jeunes ont toute leur part pour atteindre une paix durable dans la province de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC). Pour renforcer la collaboration avec les autorités, des étudiants ont rencontré le 27 janvier 2023 les leaders de Bunia et une conseillère du gouverneur lors d’une tribune d'expression populaire organisée à l’Université de Bunia. A l’invitation du consortium constitué d’Interpeace, d’Action pour la paix et la concorde (APC), du Pole Institute et du Centre pour la coopération internationale de la New York University, des questions de paix et les défis pour l’implication de la jeunesse ont été mis sur la table dans des échanges sans tabou.

Les étudiants ont été appelés à briser la peur pour que les enjeux sécuritaires soient suffisamment débattus. Devant l’insistance des participants, Irène Vahweka, conseillère du gouverneur chargée des questions de la jeunesse, a expliqué de son côté en quoi l’Etat de siège est une opportunité pour ramener la paix dans la région. Pour elle, la question de la résilience et de la paix en Ituri implique surtout la participation de la jeunesse.

Selon Mme Vahweka, la démarche actuelle du gouverneur de province, avec certains partenaires, pour la mise en place de cadres de dialogue inter et intracommunautaire doit permettre d’éviter le pire.

« Il ne faut pas croiser les bras, vous devez sensibiliser les autres jeunes à accompagner l’Etat de siège car sa réussite permettra le développement de l’Ituri », a-t-elle fait savoir.

Cette réunion publique a permis à plusieurs jeunes de s’exprimer librement devant les autorités. Pour Daniel Ambunga, il faut répéter régulièrement ce format pour encourager les jeunes à dénoncer ce qui ne marche pas dans la région.

« Cette province est encore jeune. Elle a quatre grands groupes ethniques. Avec des conflits, on n’ira nulle part. Chez nous, on tue les gens tous les jours. Des espaces comme ça nous permettent de présenter la situation de notre milieu où des rebelles circulent librement. Nous la jeunesse, nous sommes capables et notre contribution est de pouvoir s’exprimer à travers de telles assises », affirme cet étudiant.

Cette réunion publique a permis à plusieurs jeunes de s’exprimer librement devant les autorités. Pour Daniel Ambunga, il faut répéter régulièrement ce format pour encourager les jeunes à dénoncer ce qui ne marche pas dans la région.

« Cette province est encore jeune. Elle a quatre grands groupes ethniques. Avec des conflits, on n’ira nulle part. Chez nous, on tue les gens tous les jours. Des espaces comme ça nous permettent de présenter la situation de notre milieu où des rebelles circulent librement. Nous la jeunesse, nous sommes capables et notre contribution est de pouvoir s’exprimer à travers de telles assises », affirme cet étudiant.

Comme lui, Emérence est étudiante dans la même université. Elle se dit satisfaite des réponses données à ses différentes questions en lien avec le Processus de désarmement, démobilisation et réintégration communautaires (P-DDRCs) et son niveau d’avancement. Mais elle souhaite des actions concrètes.

Parmi les participants figurait également le président du Conseil provincial de la jeunesse, Gentil kaniki. Il demande aux autorités de toujours associer les jeunes aux processus de paix et salue l’organisation des tribunes d’expression populaire.

« C’est un moyen qui permet aux jeunes de présenter le vrai problème et les défis afin de proposer des pistes de solution en complicité avec les différentes parties prenantes », explique-t-il. Selon lui, il faudrait élargir ces activités vers l’intérieur de la province pour améliorer le lien entre les jeunes et les autorités.

Cette tribune d’expression populaire entre dans le cadre du projet de soutien à la médiation pour la résilience et la paix en Ituri et au Grand Nord-Kivu financé par l’Union européenne.

Les voix de Mandera : histoires d'espoir et de paix du comté de Mandera au Kenya

Les habitants du comté de Mandera au Kenya ont connu leur part de conflits et de violence au cours de la dernière décennie. Situé dans le nord-est du Kenya, à la frontière de la Somalie et de l'Éthiopie, la région a été en proie à des meurtres, des raids sur le bétail, des attaques transfrontalières et des représailles, qui se sont produits entre de grands clans d'éleveurs.

Les villages sont éparpillés sur des terres divisées par des groupes ethniques et des frontières coloniales, des lignes apparemment arbitraires que les gens et les animaux traversent régulièrement à la recherche de pâturages. Des histoires de violence recouvrent la région dont les pratiques nomades ont toujours ignoré les frontières qui entravent leur mode de vie errant.

Exacerbée par la rareté des ressources et la négligence à améliorer les services publics et les infrastructures, la violence interclanique a sévi dans le comté, renforçant encore le cercle vicieux de la souffrance et de l'instabilité. En particulier, le conflit entre les clans Garre et Degodia de 2010 à 2015 a depuis entraîné le déplacement de plus de 18 000 ménages et la mort de plus de 70 personnes. Des poches de personnes déplacées vivent toujours dans le comté en attendant d'être réinstallées.

Cependant, en 2020, les dirigeants des clans Garre et Degodia se sont engagés à mettre fin aux hostilités, ce qui s'est concrétisé par la signature de la déclaration de paix de Banissa. Cet accord a conduit à la cessation immédiate des hostilités et à la réduction des activités criminelles telles que les raids et les dommages matériels, aboutissant à des niveaux beaucoup plus faibles de déplacement interne.

Facilitée par Interpeace et son partenaire local, la Commission nationale pour la cohésion et l'intégration (NCIC), la déclaration était le fruit des dialogues des dirigeants locaux eux-mêmes qui reflétaient un désir de paix transcendant les clans. Renforcée par la création des comités de surveillance du cessez-le-feu (CMC), elle est toujours en vigueur et est respectée, mais les efforts de réconciliation et de renforcement de la cohésion sociale se poursuivent à ce jour.

L'instauration d'une paix durable dans la région ne se limite pas à la signature d'un seul accord. Les conflits interclaniques sévissent toujours, mais Interpeace et ses partenaires continuent d’œuvrer, s'appuyant sur ce qui a été appris au cours des années d'engagement et de consultations communautaires dans le comté.

Résolution des conflits liés aux ressources entre les clans Degodia et Garre – une inspiration pour d'autres modèles

Entre 2010 et 2020, la circulation des personnes et du bétail entre les villages de Domal-Choroqo, Banisa-Guba, Malkamari-Eymole, Boqonsar-Handrak et Malkaruqa-Ardagarbicha a été fortement restreinte par crainte des attaques et des vols. Membres des clans opposés Garre et Degodia, les habitants se sont battus pendant des années pour les rares ressources de la région, les questions de propriété foncière et de droits de pâturage ayant été exacerbées par le conflit politique. Ces 5 villages sont situés dans les zones tampons des deux clans et ont le plus souffert des effets des cycles vicieux de la violence.

Interpeace et son partenaire de la NCIC ont mobilisé les membres de la communauté pour participer à des réunions de dialogue, jouant le rôle de médiateurs entre les anciens, les administrateurs locaux, les jeunes et les femmes. Ils ont créé des espaces de dialogue inter-villages, où les membres des différentes parties au conflit se sont réunis pour élaborer des solutions visant à prévenir et à atténuer les escalades inter-claniques. Bien que ces villages se trouvent dans la zone tampon, ils sont également les premières lignes pour assurer la paix et le dialogue.

En mars 2020, 5 pactes intervillageois ont été conclus par les membres des clans Garre et Degodia, incluant le partage de l'eau et des pâturages. Depuis leur signature, ces communautés les ont appliqués et résolvent les différends de manière pacifique.

Les dialogues inter-villages menés dans le cadre de ce conflit ont servi de modèle à Interpeace et à la NCIC pour proposer des approches pacifiques aux conflits inter-clans de longue date à Mandera et dans le Rift Nord du Kenya. Ce modèle s'est également étendu à l'Éthiopie, ouvrant les relations de part et d'autre de la frontière kényano-éthiopienne, ce qui a permis de sécuriser les mouvements transfrontaliers des personnes, du commerce et du bétail à la recherche d'eau et de pâturages.

Dialogue et réconciliation entre les clans Murulle et Garre

Outre ceux liés aux ressources, Mandera connaît également des conflits en raison des différends frontaliers entre clans et villages. C'est le cas entre les Murulle et Garre, situés à proximité de la Somalie, dont les affrontements se poursuivent parce que des accords n'ont pas été respectés par les deux parties au cours de la dernière décennie. Des tentatives de cessez-le-feu ont été faites depuis 2000, mais le conflit a continué de s'intensifier, entraînant des victimes et la destruction des deux clans au cours des deux dernières décennies.

Interpeace, la NCIC et le gouvernement du comté de Mandera ont d'abord examiné les raisons de la violence malgré les accords précédents. Après avoir consulté les membres des deux clans, il est apparu clairement que les impasses étaient dues au manque de leur représentation et de leur influence dans le processus de médiation. Les processus de paix précédents ne prévoyaient que très peu de rôles pour ceux-ci dans le jugement et l'élaboration des accords, ce qui a conduit les communautés à revenir à des solutions violentes pour résoudre les conflits liés aux ressources.

À la demande des parties au conflit, Interpeace et la NCIC ont fait appel à un arbitre externe en qui les deux clans avaient confiance. D'autres agences intergouvernementales - le ministère de l'Intérieur, le ministère des terres, le Survey of Kenya, la Commission nationale des terres , le Comité national sur la consolidation de la paix et la Commission électorale indépendante et de délimitation - ont été invités à la table des négociations pour trouver une solution durable à cette impasse meurtrière. Le processus a débouché sur deux verdicts clairs, élaborés conjointement et acceptés par les groupes en conflit : (1) la cessation immédiate des hostilités et les directives de réparation à mener par l'infrastructure de paix locale et (2) le fait que le différend frontalier relèvera du gouvernement qui délimitera le territoire contesté.

Le 8 février 2021, la classe politique, les anciens, les chefs religieux, les membres de la société civile et les membres de l'équipe de sécurité ont assisté à la signature de l'accord de paix Sheikh Umal II entre les clans Murulle et Garre dans le hall du siège du comté.

Cet arrangement a conduit à la compensation des propriétés détruites et vandalisées pendant le conflit. C'est également dans cet accord que le gouvernement a été chargé de délimiter la frontière contestée afin d'apporter une solution permanente au conflit, ce qui a également ouvert des possibilités de collaboration et de restauration de la confiance entre les clans et les autorités locales. Le processus des agences intergouvernementales est en cours.

Interpeace tient à remercier le Gouvernement allemand, le Royaume-Uni, l'Union européenne au Kenya et l'ambassade suisse au Kenya pour leur soutien à la création d'espaces de paix dans le comté de Mandera et dans d'autres zones de programme d'Interpeace au Kenya. Interpeace est également reconnaissant à ses partenaires locaux, la NCIC, le comté de Mandera, ainsi que le Frontiers Counties Development Council (FCDC) pour leurs contributions cruciales à ces efforts de paix menés par les communautés.

Déclaration d'Interpeace sur l'attaque contre l'Ukraine

L'incursion actuelle des forces militaires russes en Ukraine est à la fois choquante et déchirante. Elle constitue une violation alarmante du droit international qui met inutilement en danger la vie de millions de civils.

Interpeace n'est que trop conscient du coût dévastateur des conflits et nous nous joignons aux Ukrainiens et aux citoyens du monde entier pour appeler à la fin de la violence. Le dialogue et la compréhension sont les seuls moyens de résoudre les peurs, les tensions et les griefs qui alimentent cette crise.

Interpeace se joint à la communauté internationale pour condamner sans équivoque ces attaques et pour appeler à la restauration et à la préservation d'un système international fondé sur des règles. Nous exhortons toutes les parties à retourner à la table du dialogue et à ouvrir la voie à une paix inclusive et durable.